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Critique de BazaR


Comme de nombreux livres d'Histoire des dernières années du 20e siècle, Bartolomé Bennassar ne raconte un récit chronologique apte à maintenir l'attention soutenue d'un amateur de romans. Il s'agit de décortiquer l'Espagne du siècle d'or – une période définie par l'auteur lui-même comme s'étendant d'environ 1525 (bataille de Pavie) à environ 1648 (traité de Westphalie) – à l'aide d'un arsenal de filtres historiques, religieux ou économiques. Lire d'un seul tenant, « pour se distraire », s'avère âpre face à cet étalage de catalogues et de pourcentages de toutes sortes.
Cependant Bennassar lâche parfois la bride à sa plume romanesque – au tout début lorsqu'il décrit les parades royales ou lorsqu'il fait vivre un village de morisques perdu en Estrémadure –, prouvant qu'il est capable de captiver si tel est son objectif. Mais cela ne l'est pas. Il s'agit avant tout d'établir une nouvelle référence d'étude historique, utile à ses futurs confrères.

Et ce pari est clairement réussi à mon humble avis. A force de lire des biographies des rois de France Valois et Bourbons, j'avais fini par penser l'Espagne de ce temps comme une invulnérable puissance, écrasante, infiniment riche et complètement hallucinée par le catholicisme. Bennassar montre les fragilités de ce pays, soumises aux mêmes affres que toutes les autres. L'illusion des richesses inépuisables venues entre autres d'Amérique qui convainc des générations que cet état des choses un état normal de la nature et ne changera jamais, les empêchant de sentir venir les ennuis économiques, l'installation de la famine. L'aveuglement de l'Inquisition qui brise la classe marchande essentielle de Séville parce qu'elle est en partie composée de « conversos » (Juifs convertis de force). Politique économique qui finit par favoriser l'importation à la fabrication locale et détourne les flux d'argent vers l'étranger. Ce flux est également détourné par les guerres extérieures qui coûtent cher, trop cher (comme pour la France). L'Espagne est loin d'être épargnée par les attaques corsaires venues d'Angleterre (Drake) ou des Barbaresques (Barberousse) ; les villes côtières étant souvent pillées et incendiées.

On bénéficie aussi d'une bonne vision des espagnols eux-mêmes, leurs diversités régionales (le Castillan est une langue étrangère pour les Catalans, les Basques et les Galiciens) mais surtout leur distribution en « castes » : les Grands, les caballeros, les hidalgos, les letrados, les ecclésiastiques et le peuple, mais aussi les esclaves, les conversos et les morisques (musulmans convertis de force). Ces deux derniers groupes subissant l'expulsion. Bartholomé Bennassar décrit bien ceux qui profitèrent de la Grandeur du siècle d'Or, et ceux qui restèrent en marge.

Bien sûr l'auteur déploie les « têtes de gondoles ». Les quatre rois bénéficient d'une courte étude chacun : Charles Quint pense à son rêve de paix européenne universelle et catholique. Philippe II est assez éloigné en privé de son image publique sombre et inaccessible ; il ne devient le « roi-moine » que sur la fin. Philippe III et IV ne sont pas fait pour gouverner. Ils délèguent aux « validos » (favoris) – le duc de Lerma pour le premier, le Compte d'Olivares pour le second – la gestion du gouvernement. Ces deux là ont aussi droit à des portraits sans complaisance. Les peintres comme Le Greco ou Velázquez, les écrivains comme Lope de Vega, Calderon ou Cervantès ont aussi droit à des chapitres entiers. L'auteur fait bien remarquer que la culture qu'ils portent est contemporaine de la phase de chute, comme si elle bénéficiait d'une forme d'inertie.

Ce livre est donc riche en enseignement et doit se voir comme une référence dans laquelle on revient toujours picorer, mais j'en ai trouvé la lecture d'un seul tenant âpre et parfois ennuyeuse.
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