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Critique de MissG


MissG
23 novembre 2014
Tania est une jeune fille lorsqu'elle fuit la Russie et la Révolution d'Octobre 1917 pour gagner avec sa famille le Japon.
Elle s'y épanouit comme une fleur sensuelle attirant à elle tous les hommes, les séduisant, jouant la sotte ingénue et rêvant au prince qui l'épousera pour lui faire mener une vie de luxe et de bonheur telle que se l'imagine une Tania se posant mille questions : "Que devenir ? La vraie vie était sur le point de commencer, il fallait s'y préparer, ne pas rater l'occasion, ne pas faire de faux pas. Se marier le plus tôt possible ? Devenir diva d'opérette ? Ou écrivain, raconter l'histoire de son âme ?".
Mais un homme lui résiste, c'est pour l'une de ses soeurs que son coeur bat, et ça, c'est trop pour Tania à qui il faut tout, tout le monde, et tout de suite : "Et la pensée qu'un homme l'avait négligée, que sa vie commençait par un échec, lui fut insupportable.".
Tania va donc tout mettre en oeuvre pour l'épouser, commence alors sa vie de femme mariée, au Japon, à Shanghai puis à Paris, où elle se retrouve veuve au bout de neuf ans.
Tania ne le pleure pas, mais commence pour elle une période de misère, de déchéance, où tous les jours se succèdent et se ressemblent : "Une journée commençait, grise comme l'existence.", et où Tania cherche tant bien que mal à s'en sortir : "Elle ne savait pas ce qu'était la vie, mais sentait que ce n'était pas ça, pas ça. Et les années passaient, et maintenant, avec ces pensées pénibles, cet ennui au coeur, avec cette poitrine vieillie et ce regard méchant - où aller ?".
Alors Tania sort, prend un amant, un autre amant, passe d'un homme à un autre en attendant le généreux qui l'entretiendra jusqu'à la fin de ses jours et la fera, enfin, vivre dans le bonheur.

Quel portrait cruel que dresse Nina Berberova de cette Tania, une grue sotte aux ambitions médiocres qui passera sa vie dans ses rêves et dans son imagination.
Tania se marie, s'ennuie dans son mariage, est libérée par la mort de son mari mais ne sait que faire de cette liberté du fait de son dénuement matériel et de sa pauvreté.
Alors Tania devient une sorte de putain, proposant ses charmes au plus offrant dans l'espoir d'accéder à l'image qu'elle se fait du bonheur.
Encore une jeune femme qui s'est laissée éblouir par les lumières de Paris, le strass et les paillettes dans ces Années Folles.
Que d'ironie également contenue dans ce court roman, à travers la relation entre Tania et son Bologovski, serveur dans un restaurant et faisant également figure du laquais énoncé dans le titre du livre.
Il n'y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, cela s'applique à merveille à Tania, et je dirai qu'il n'y a pas également plus sot que le sot.
Tania est une femme impossible, je l'imagine très bien dans ses jupes à froufrou piquer sa colère ou marcher de long en large à travers la pièce de sa chambre de bonne à ressasser son prochain plan pour attraper dans ses filets un homme jeune, beau, riche, qui cédera à tous ses caprices.
Une nouvelle fois, j'ai également pu apprécier le style de Nina Berberova qui manie l'art de l'ellipse avec talent.
De plus, elle réussit à croquer avec justesse le quotidien de cette femme dans le Paris des Années Folles, redonnant vie à cette époque avec une certaine forme de magie tout en y démontrant l'envers du décors.

Nina Berberova réussit à écrire, en un peu plus des cent pages qui composent "Le laquais et la putain", une histoire qui claque avec sa plume si particulière, trempée dans l'ironie et la cruauté pour dresser le portrait de cette infecte Tania, qui répugne le lecteur autant qu'elle le séduit.
Une auteur de grand talent à redécouvrir absolument !
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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