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Citations sur Les ombres (19)

Nous passons notre temps à mater le quotidien des gens, à noter leurs défauts, à grignoter leurs pauvres tranches de vie, en oubliant la notre.
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– Mansour et Goujon, vous restez sur la cité Prévert.
La cité Prévert, c’est notre résidence secondaire. La jungle qu’on nous a ordonné de surveiller. Chaque groupe a sa part de zones pourries. Nous, c’est la Prévert : trois mille cinq cents habitants officiellement répartis sur quatre barres entrelacées, deux ascenseurs plus ou moins en état de marche, sa misère, son ennui, le chômage et une majorité de gens qui voudraient être ailleurs. On part du principe que le nouveau banditisme, les extrémismes, tout ce qui nous met en alerte, peut se cacher, se créer ou s’épanouir dans les quartiers abandonnés par l’État comme une vulgaire réserve apache par les successeurs du général Custer. On y connaît tout le monde, et personne ne nous connaît… J’espère. Sur certains murs, on lit le nom, le matricule, l’adresse et parfois même le prénom des enfants des policiers du coin, mais pas encore les nôtres, nous, les invisibles. Si jamais le bombeur vient de là, nous ne le raterons pas. Nous n’avons pas le droit de le rater.
Mansour Boudjellal s’étire. Il a presque quarante ans, c’est mon capitaine adjoint. Bac plus cinq et juriste, comme moi. Quand il boit… il boit. Mais à part ça, c’est un solide, un manuel, un taiseux, une poutre. Sa femme est institutrice, ils s’adorent et sont complémentaires. Elle a son voyou, il a son intello. Ils ont fait deux filles. Un flic heureux en ménage, et c’est mon ami !
Gabriel Goujon, c’est autre chose. À presque cinquante balais, il est major de police et porte le même costume râpé depuis trente ans. Il adore les écoutes, toutes les écoutes, les ragots, les potins, les on-dit. Ensuite il en parle à sa femme ; ils n’ont plus que ça à partager depuis que leur fils vole de ses propres ailes. Mansour et lui, vous les collez sur une planque et vous oubliez de leur dire de rentrer, ils seront encore là dans mille ans. Voilà pourquoi je garde ces deux là sur Prévert."
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Jacky hausse les épaules en souriant. Rien de spécial pour l’instant. Il y a quelque temps, elle s’est retrouvée dans une armurerie et l’autre client était un type avec un fort accent russe. Ils ont parlé armes puis, en rentrant chez elle, elle nous a faxé son signalement. Quand le portrait-robot est arrivé sur son fax, elle a confirmé. Elle venait de lever Tarkov, un ex du KGB et du FSB. Elle a surveillé l’armurerie et, quand l’Ukrainien est revenu, elle y était aussi. Surprise ! Ils ont encore parlé d’armes et sont devenus copains. Visiblement, Tarkov a envie de s’intégrer. Pour vraiment changer de vie ? À voir. Lui et sa famille sont venus en France monter une entreprise de volailles import-export. À voir. En tout cas, cette mission, c’est la sienne, pas question de la lui enlever. J’ai adjoint Paul à Jacky parce qu’elle est super zen. Ce type a besoin d’une bonne influence.
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Mais mon cellulaire vibre dès l’intro de Wuthering Heights ; il tombe de l’étagère, je le ramasse en me cognant la tête, je jure, je décroche et Michel Périco, mon chef de service, se met à aboyer.
– Allumez votre télé puis ramenez votre cul ici !
Sa voix grésille d’émotions mal contenues. Il raccroche aussitôt.
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Tout à l’heure je n’avais qu’une envie : rentrer chez moi, ne plus entendre personne, et maintenant, je m’emmerde déjà. Je m’ennuie comme un rat mort dès que je suis tout seul, c’est maladif. Allez hop, Kate Bush sur la stéréo. Mais mon cellulaire vibre dès l’intro de Wuthering Heights ; il tombe de l’étagère, je le ramasse en me cognant la tête, je jure, je décroche et Michel Périco, mon chef de service, se met à aboyer.
– Allumez votre télé puis ramenez votre cul ici !
Sa voix grésille d’émotions mal contenues. Il raccroche aussitôt.
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Gare du Nord, déjà. Youpi, je vais sans doute attraper mon RER pour Drancy… Te plains pas, c’est toujours mieux qu’un wagon en partance pour l’Allemagne, mais… Franck, arrête de déconner. Tu as mal au monde qui est plein de salauds, OK, on a compris. Reprends-toi. Et je me reprends. Il faudra tout de même que j’arrête de me parler ; l’impression de devenir toqué. Parfois j’aimerais faire comme les condés de romans à clichés, me droguer, devenir alcoolique, faire de l’humour dans les moments extrêmes, courir le cent mètres en moins de dix secondes, ricaner pendant l’action et rester diaboliquement séduisant. Mon cul. J’entretiens ma forme physique, je ne cultive aucune addiction et il m’arrive de me raser régulièrement en pensant aux RTT. Bon, demain je récupère ma moto et j’essaierai de ne pas mourir en slalomant dans les embouteillages.
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Gare du Nord, déjà. Youpi, je vais sans doute attraper mon RER pour Drancy… Te plains pas, c’est toujours mieux qu’un wagon en partance pour l’Allemagne, mais… Franck, arrête de déconner. Tu as mal au monde qui est plein de salauds, OK, on a compris. Reprends-toi. Et je me reprends.
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Dans la vraie vie, je suis le capitaine Franck Venel et je bosse à la DCRI, la Direction centrale du renseignement intérieur. L’antiterrorisme, le renseignement, pour faire simple. J’ai quarante-deux ans, une fille de seize qui s’appelle Élodie, une ex-épouse (sa mère) et deux ou trois petits coups que je m’envoie de temps en temps sans jamais ressentir autre chose que le frottement de mon gland.
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Dans la vraie vie, je suis le capitaine Franck Venel et je bosse à la DCRI, la Direction centrale du renseignement intérieur. L’antiterrorisme, le renseignement, pour faire simple. J’ai quarante-deux ans, une fille de seize qui s’appelle Élodie, une ex-épouse (sa mère) et deux ou trois petits coups que je m’envoie de temps en temps sans jamais ressentir autre chose que le frottement de mon gland. Ma fille vient quand elle veut, elle a sa chambre. Sa mère est hôtesse de l’air, toujours au bout du monde. Je l’ai rencontrée pendant une alerte à la bombe à Roissy, dans une autre existence. De toute façon, on n’a jamais réussi à se voir plus de deux jours d’affilée. Je m’entends bien avec ma fille, enfin, je crois. Mais pour ce qui est d’être un père comme il faut, ben, cherchez pas, c’est pas moi. J’suis fatigué dans mon pauv’ crâne. La plupart d’entre vous pensent que nous sommes des super-héros avec la cape et le slip rouge, mais non. Pas vraiment. Pas du tout. Nous sommes fonctionnaires de police. Fonctionnaires. C’est important, ce motlà. Ça dit tout.
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Ce soir, la rame est bondée, comme tous les soirs ; c’est l’heure de pointe parisienne et plus ça va, moins je supporte. On est tous debout, on sent mauvais. On est humides parce que dehors, il pleut. Une pluie chaude et grasse, chargée de rejets nauséabonds. On se marche sur les pieds, on est tristes et en colère. On a fini par comprendre que la vie se fiche de notre gueule. Maman, maman, où sont passés mon innocence d’enfant et mes rêves d’ado, quand les horizons étaient roses et l’avenir radieux ? Les gens sont là, las et fatigués, mécaniques et déçus. Lequel d’entre eux sera assez désespéré pour actionner le bouton et faire exploser son sac bourré de saloperies ?
À moins que je ne l’attrape d’abord.
S’ils savaient qu’on trouve tout le nécessaire pour fabriquer une bombe dans une grande surface… Je me dis qu’il faudrait mettre des mouchards dans les caisses et repérer les achats suspects ou donner des consignes aux caissières. J’en parlerai lors d’une prochaine réunion. Les chefs prendront l’air inspiré en se demandant comment piquer l’idée si elle est bonne, et mes collègues me traiteront de lèchebottes. Ouais… J’en parlerai un de ces quatre. Ou pas.
Je contemple un barbu et son épouse aux cheveux invisibles. L’islam… Tout le danger semble venir de là, mais moi je sais… Y a pas que l’islam dans la vie, y a aussi la lassitude, le vide, l’absence de tout. Pour moi, tout le monde est suspect parce que c’est mon boulot. Paranoïaque est ma fonction, gardien de vie ma conviction. En fait, je vous protège ; je veille sur votre existence, qui n’en est plus vraiment une depuis que le progrès a largué tous ses freins.
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