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Critique de Klasina



Essai sur les données immédiates de la conscience ?

Immédiatement, nous sommes frappés. Une clarté, une élégance, une simplicité dans le style d'écriture. Bergson, pour appuyer ses arguments et les faire comprendre, n'hésite pas à poser des exemples, des images qui marquent nos esprits. Point qui peut encourager ceux qui fuient les essais, les associant à un effort pénible, ou alors à la monotonie. L'essai de Bergson, lui, est bien vivant.

Vient l'essai en lui-même, qui avance à coup sur dans sa marche. Il se déploie comme un être vivant. La pensée est en mouvement constant. N'est-ce pas révélateur de la thèse que Bergson avance ? Thèse que je laisse au lecteur à découvrir.

Le problème majeur est posé dans l'avant propos :" Quand une traduction illégitime de l'inétendu en étendu, de la qualité en quantité, a installé la contradiction au coeur même de la question posée, est-il étonnant que la contradiction se retrouve dans les solutions qu'on en donne ? Nous avons choisi, parmi les problèmes, celui qui est commun à la métaphysique et à la psychologie, le problème de la liberté. Nous essayons d'établir que toute discussion entre les déterministes et leurs adversaires implique une confusion préalable de la durée avec l'étendue, de la succession à la simultanéité, de la qualité avec la quantité : une fois cette confusion dissipée, on verrait peut-être s'évanouir les objections élevées contre la liberté, les définitions qu'on en donne, et, en un certain sens, le problème de la liberté lui-même ».

Autrement dit, l' « erreur » majeure à l'égard du temps, est de le considérer analogue à l'espace. Or, c'est tout le problème de la métaphysique moderne, depuis Kant. Bergson va définir le temps et l'espace. Et les distinguer. Je ne donnerais pas plus de détails sur ces distinctions. A chacun, une lecture personnelle, qui rend possible l'appropriation. A chacun la surprise que réserve une lecture.

Pour simplifier, si l'espace est divisible, le temps ( de la conscience) ne l'est pas. Il est durée, pure, ininterrompue, changement. de là, le concept majeur de Bergson. La tâche de la philosophie revient à saisir cette durée, par l' « intuition » ( qui n'est pas un « instinct »). La science, elle, ne cherche que des lois, mais elles sont valables que pour les choses extérieures. Si la science fixe les choses, c'est par utilité, pour commodités de l'action. Et nous avons oublié la réalité, la vie même au contact de l'action.

Le langage est au coeur même du questionnement " la pensée est incommensurable avec le langage". Nous l'éprouvons tous, quand on veut exprimer quelque chose, la phrase qui revient, dans notre société actuelle : « Je n'ai pas les mots ». Cet ineffable traduit le déficit du langage à traduire la durée. L'essai de Bergson, nous concerne tous, il concerne l'homme et nous-mêmes.

Bergson dissipe nos illusions, retire le voile des a priori, et enfin le masque de la surface, de l'utilité qui s'est fondu avec le réel même. Bergson met en avant la confusion du temps avec l'espace, le passé dans le présent ( et notamment la thèse déterministe). le moi « social » et le moi « profond » sont distingués. La société exige l'action, alors, nous comédiens, nous nous créons un rôle. Et progressivement, nous nous sommes confondus avec ce rôle. Notre « moi profond » est relégué. Mais nous pouvons toujours tenter de le retrouver. Il nous est permis de le réapproprier.
L'utilité nous a fait perdre la réalité même de la vie, qui est mouvante. Pour Bergson, il s'agit de renouer la philosophie avec la vie, l'organique. Ce dont elle s'est profondément éloignée.

En définitive, Essai sur les données immédiates de la conscience, permet un approfondissement de nous-mêmes. L'essai est loin de se cantonner au ciel abstrait et froid des idées. Il se cantonne au contraire, à l'intelligence, et à ses a priori, à l'homme et à la société, au moi et à sa complexité.
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