Cette volonté d'éloignement de l'alpiniste correspond à un besoin, notamment à celui de préserver ses repères au sein d'une nature sauvage susceptible de lui rappeler à tout moment sa réelle dimension d'homme.
Il est des aventures qu'il n'est pas possible, ou en tout cas pas souhaitable, de vivre à moitié, pour des raisons essentielles de fonctionnement et de sécurité. C'est tout ou rien dès l'instant où l'on s'engage, et si elles s'installent dans la durée, comme ça peut être le cas en alpinisme, ou même parfois en escalade, on est forcément déconnecté.
L'harmonie de ce paysage dégage une atmosphère de paix et de douceur qui nous envahit et nous hypnotise. Le temps s'écoule au rythme lent des nuages qui s'avancent et nous, silencieux, nous contemplons...
La saison avance, aujourd'hui il n'y a personne en montagne et les chamois ont enfin retrouvé la tranquillité.
L'orage pressenti dans le lointain alors que nous étions au sommet se concrétise bel et bien. Il fond sur nous à une allure sidérante. Il nous surprend dans le bas de cet étrange défilé glaciaire. Le ciel est maintenant noir d'encre, les éclairs le lacèrent continuellement. La grêle se met de la partie. L'atmosphère si particulière et si impressionnante du lieu est encore amplifiée. C'est grandiose!
Progressivement, au gré de l'expérience, l'alpiniste apprend à apprécier son niveau, à analyser la situation dans laquelle il se trouve et, lorsqu'il en ressent la nécessité, il devient capable de se plonger dans cet état de vigilance exacerbée qui représente en fat sa véritable sauvegarde.
L'engagement et la prise de risques font partie du "jeu" de l'alpinisme, de sa culture.
La difficulté de l'escalade, la mauvaise qualité du rocher, l'éloignement et la précarité des points d'assurance interdisent l'erreur; la vie du grimpeur est alors en jeu.
Les Alpes sont si riches en itinéraires somptueux! Le temps file trop vite et "nos parois", fragments d'histoire, ne sont pas toujours disposées à attendre. Parfois elles s'embrument et se referment sur elles-mêmes. Nous devons nous adapter et les cueillir lorsqu'elles veulent bien s'offrir.
C'est un des grands plaisirs de l'alpiniste que de pouvoir développer son instinct et son intelligence en suivant le cours d'un itinéraire logique. Quelle qu'en soit la difficulté, il a la sensation d'être à sa place, sur le chemin que la nature lui a tracé.