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Critique de migdal


« Un jour de l'automne 1435 … comme pour lui même Guillaume Manchon murmura : « … ce qui est écrit ne meurt pas » ». Cette évidence concluait « Le bon coeur », publié en 2017.

En aout 1449, Guillaume Manchon, ses archives et son chat Grigri introduisent « Le bons sens », suite attendue de l'histoire de Jeanne dont le centenaire de la canonisation devait être célébré le dimanche 31 mai 2020. Un diabolique virus contrarie cette commémoration, mais Michel BERNARD reprend le flambeau de Jules MICHELET proclamant « Elle […] eut une action par la vive lumière qu'elle jeta sur une situation obscure, par une force singulière de bon sens et de bon coeur. » et mêne une enquête passionnante sur la réhabilitation de Jeanne d'Arc.

Comme dans son précédent opus, l'auteur débute chaque chapitre par le nom du personnage dont il narre un épisode historique en le plaçant dans une chronologie et une géographie très pédagogique.

Entrent successivement en scène :
- Charles VII, lors de la libération de Rouen, en novembre 1449, proclame une amnistie générale … mais est informé par Guillaume Manchon qu'une réouverture du procès de 1430 se justifierait.
- Agnès Sorel, prématurément décédée le 9 février 1450, brise de chagrin son royal amant, qui décide le 15 février une enquête sur le procès de celle qui le fit couronner.
- Jean d'Orléans, Comte de Dunois, compagnon d'armes de la pucelle, devenu Lieutenant Général, reprend Harfleur, puis Honfleur et boute les anglais hors de Normandie puis d'Aquitaine.
- Guillaume Bouillé, Dominicain chargé de l'enquête avec le grand Inquisiteur Brehal et le juge Jean Jouvenel des Ursins, dont la puissante famille assiège le trône.
- Guillaume d'Estouteville, légat d'un Pape, préoccupé par la chute de Constantinople le 29 mai 1453 et le rêve de mobiliser le Roi de France et le Roi d'Angleterre dans une croisade pour protéger la chrétienté.
- Jean Fouquet, le peintre officiel de la cour chargé d'immortaliser Agnès Sorel et « Le très victorieux Roi de France, Charles septième du nom », dans un contexte troublé par l'arrestation de Jacques Coeur, le Grand Argentier du Royaume.
- Isabelle Romée, la mère de Jeanne, accompagnée de deux de ses fils vient demander que Justice soit rendue.

Michel Bernard, préfet en disponibilité, a l'expérience du pouvoir et sait qu'en France l'administration et la justice sont infaillibles, mais qu'il peut (très exceptionnellement) arriver que l'état souffre d'une information incomplète voire déficiente. Dans ce cas, une commission d'enquête se distingue en désignant un responsable, idéalement décédé, ou, plus prudemment, dote ses membres de munitions pour l'avenir en constituant des dossiers riches en pièces à conviction …

Ici l'Evèque Pierre Cauchon est le mort idéal (collaborateur de la perfide Albion au nom prédestiné) et l'ambitieux Thomas de Courcelles, juge au procès de 1431, avant de se rapprocher du Roi en 1435, réalise une carrière exceptionnelle achevée en apothéose en prononçant l'éloge funèbre du Roi le 8 aout 1461 … après réussi à écarter les documents compromettants pour sa réputation et sa réussite. Ceci nous offre des pages croustillantes rédigées de main de maitre par un écrivain aussi politique que talentueux et parfaitement lucide sur les arcanes gouvernementales.

Assurément « Le bon sens » est un ouvrage passionnant, sur un épisode judiciaire et historique peu traité par les historiens.

Mais, il n'est pas parfait … car il occulte le fait que lacérer en place publique l'acte d'accusation de 1430 n'est qu'une réhabilitation partielle de l'accusée qui confortait la légitimité du Roi mais n'innocentait pas totalement la bergère. Michel Bernard ne semble pas avoir pris connaissance de la thèse du Colonel Charles Boulanger « 7 juillet 1456, enterrement de l'affaire Jeanne d'Arc : Triomphe de l'université de Paris ». La prétendue abjuration de Jeanne est réaffirmée par le verdict de 1456, et des prières publiques ordonnées, pour le salut de son âme !

Il faudra plus de quatre siècles et le procès canonique ouvert par Pie X pour établir la vérité.

Espérons donc que notre auteur, qui préparerait une suite centrée sur Jean de Dunois, se replongera dans l'examen des procès successifs de Jeanne et la réhabilitera dans la plénitude de sa gloire.
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