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Le Bon Cœur tome 2 sur 2
EAN : 9782710390503
208 pages
La Table ronde (03/01/2020)
3.69/5   53 notes
Résumé :
- Prix Alexandre Vialatte 2020 -
Novembre 1449, dix-huit ans après la condamnation pour hérésie de Jeanne d’Arc, Charles VII chasse les Anglais de Rouen. La fin de la guerre de Cent Ans est proche : il faut achever la reconquête du territoire, panser les plaies des provinces dévastées et réconcilier les partis engagés dans la guerre civile. Promettant le pardon et l’oubli, le roi ordonne pourtant une enquête sur le procès de 1431. Malgré la résistance d’une p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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« Un jour de l'automne 1435 … comme pour lui même Guillaume Manchon murmura : « … ce qui est écrit ne meurt pas » ». Cette évidence concluait « Le bon coeur », publié en 2017.

En aout 1449, Guillaume Manchon, ses archives et son chat Grigri introduisent « Le bons sens », suite attendue de l'histoire de Jeanne dont le centenaire de la canonisation devait être célébré le dimanche 31 mai 2020. Un diabolique virus contrarie cette commémoration, mais Michel BERNARD reprend le flambeau de Jules MICHELET proclamant « Elle […] eut une action par la vive lumière qu'elle jeta sur une situation obscure, par une force singulière de bon sens et de bon coeur. » et mêne une enquête passionnante sur la réhabilitation de Jeanne d'Arc.

Comme dans son précédent opus, l'auteur débute chaque chapitre par le nom du personnage dont il narre un épisode historique en le plaçant dans une chronologie et une géographie très pédagogique.

Entrent successivement en scène :
- Charles VII, lors de la libération de Rouen, en novembre 1449, proclame une amnistie générale … mais est informé par Guillaume Manchon qu'une réouverture du procès de 1430 se justifierait.
- Agnès Sorel, prématurément décédée le 9 février 1450, brise de chagrin son royal amant, qui décide le 15 février une enquête sur le procès de celle qui le fit couronner.
- Jean d'Orléans, Comte de Dunois, compagnon d'armes de la pucelle, devenu Lieutenant Général, reprend Harfleur, puis Honfleur et boute les anglais hors de Normandie puis d'Aquitaine.
- Guillaume Bouillé, Dominicain chargé de l'enquête avec le grand Inquisiteur Brehal et le juge Jean Jouvenel des Ursins, dont la puissante famille assiège le trône.
- Guillaume d'Estouteville, légat d'un Pape, préoccupé par la chute de Constantinople le 29 mai 1453 et le rêve de mobiliser le Roi de France et le Roi d'Angleterre dans une croisade pour protéger la chrétienté.
- Jean Fouquet, le peintre officiel de la cour chargé d'immortaliser Agnès Sorel et « Le très victorieux Roi de France, Charles septième du nom », dans un contexte troublé par l'arrestation de Jacques Coeur, le Grand Argentier du Royaume.
- Isabelle Romée, la mère de Jeanne, accompagnée de deux de ses fils vient demander que Justice soit rendue.

Michel Bernard, préfet en disponibilité, a l'expérience du pouvoir et sait qu'en France l'administration et la justice sont infaillibles, mais qu'il peut (très exceptionnellement) arriver que l'état souffre d'une information incomplète voire déficiente. Dans ce cas, une commission d'enquête se distingue en désignant un responsable, idéalement décédé, ou, plus prudemment, dote ses membres de munitions pour l'avenir en constituant des dossiers riches en pièces à conviction …

Ici l'Evèque Pierre Cauchon est le mort idéal (collaborateur de la perfide Albion au nom prédestiné) et l'ambitieux Thomas de Courcelles, juge au procès de 1431, avant de se rapprocher du Roi en 1435, réalise une carrière exceptionnelle achevée en apothéose en prononçant l'éloge funèbre du Roi le 8 aout 1461 … après réussi à écarter les documents compromettants pour sa réputation et sa réussite. Ceci nous offre des pages croustillantes rédigées de main de maitre par un écrivain aussi politique que talentueux et parfaitement lucide sur les arcanes gouvernementales.

Assurément « Le bon sens » est un ouvrage passionnant, sur un épisode judiciaire et historique peu traité par les historiens.

Mais, il n'est pas parfait … car il occulte le fait que lacérer en place publique l'acte d'accusation de 1430 n'est qu'une réhabilitation partielle de l'accusée qui confortait la légitimité du Roi mais n'innocentait pas totalement la bergère. Michel Bernard ne semble pas avoir pris connaissance de la thèse du Colonel Charles Boulanger « 7 juillet 1456, enterrement de l'affaire Jeanne d'Arc : Triomphe de l'université de Paris ». La prétendue abjuration de Jeanne est réaffirmée par le verdict de 1456, et des prières publiques ordonnées, pour le salut de son âme !

Il faudra plus de quatre siècles et le procès canonique ouvert par Pie X pour établir la vérité.

Espérons donc que notre auteur, qui préparerait une suite centrée sur Jean de Dunois, se replongera dans l'examen des procès successifs de Jeanne et la réhabilitera dans la plénitude de sa gloire.
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En posant comme titre "Le Bon Sens", Michel Bernard mettait l'accent avec une certaine ironie, sur la rigueur qui doit gouverner toute action publique.
Le tout début de ce livre exprime de façon formelle les méthodes précises avec lesquelles le prêtre attaché à la rédaction des actes et des registres s'acquitte de ses missions. Guillaume Manchon avait naturellement toutes les qualités requises pour couvrir scrupuleusement un procès, le plus explosif du règne de Charles VII, sous l'autorité de l'évêque Pierre Cauchon.

Unanimement reconnue par la Sorbonne Xavier de Courcelles ne pouvait entraver le travail du greffier. le procès devait se dérouler avec une rapidité et une précision qui ont pu donner l'impression que le jeu des conclusions était déjà établi. Cependant restait à définir les motifs théologiques de la sentence, Xavier de Courcelles n'hésita pas à voter la torture.

Les débats furent entendus en français, les comptes rendus écrits en latin. La puissance de travail du théologien de Courcelles et son aisance à formuler de façon intelligible les débats en latin puis son expertise théologique firent autorité. Son vote, Xavier de Courcelles le simplifia en glissant une feuille blanchie des noms ayant suggéré la torture.

Les attendus du procès sont effarants, un tel déchaînement de haine pour une femme de 19 ans est une indignité qui explique aussi la symbolique d'un procès souvent perçu comme la défense de notre souveraineté.

On doit à Guillaume d'Estouteville la première démarche qui a conduit au procès en réhabilitation. Il avait 50 ans, il était cardinal et sa vie se déroulait au sein d'une belle-famille. " le cardinal détestait l'hypocrisie autant que le mensonge", page 116 . A Rome dont il aimait l'antique patine et l'humanisme, il avait laissé sa maîtresse, une belle italienne et leurs enfants installés dans le palais. "Cette situation matrimoniale de notoriété publique ne l'empêchait pas de défendre l'église et la chrétienté avec talent, pour le reste Dieu jugerait", page 116.

L'obsession du Pape de conduire une nouvelle croisade faillit conduire à l'abandon de la procédure de réhabilitation.
Heureusement le roi de France Charles VII grâce notamment à l'un de ses officiers Dunois réussi à écarter définitivement les Anglais et à mettre fin à la guerre de 100 ans.

Cette victoire permit à Guillaume d' Estouteville de revenir à la charge et notamment sur le fait que Jeanne avait plaidé la défense de la chrétienté et la défense des Lieux saints.
S'ouvrit alors à Rouen un procès en réhabilitation, durant ce procès certains protagonistes avaient disparu. Quelques-uns furent interrogés. Leurs capacités intellectuelles alors florissantes comme celle du merveilleux universitaire Xavier de Courcelles, s'étaient comme assoupies.

La réhabilitation fut prononcée grâce à Calixte III successeur du Pape Nicolas V dans un arrêt du 12 juin 1455. Était-ce une réhabilitation formelle définitive ? On peut néanmoins penser que l'action publique est quelquefois hésitante à poser le point final.

La mémoire de Charles VII fut saluée par Louis XI, et Michel Bernard projeta nos regards vers les prouesses du peintre du royaume. Jean Fouquet recevait lui même l'admiration des membres du haut clergé pour le merveilleux tableau qu'il réalisa d'Agnès Sorel.
Une reconnaissance éternelle habille la fin de " le Bon sens" les mots de Villon qui illustrent la sainte Jeanne et notre Dame, dans un merveilleux texte parlant tout autant de sa mère que de la dame du ciel. La féminité était ainsi magnifiée.

Une vision de l'histoire au demeurant pleine de malice.
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Je remercie l'opération masse critique de Babelio et les éditions La Table Ronde qui m'ont permis de découvrir le roman historique "Le bon sens" de Michel Bernard.
Avec ce livre le lecteur est téléporté au 15ème siècle, sous le règne de Charles VII, dynastie des Valois. Charles VII est le père du futur roi Louis XI, il règne à l'époque de la Guerre de Cent Ans, et si l'on peut se souvenir de lui c'est parce que Jeanne d'Arc marchait à ses côtés lorsqu'il est parti pour son couronnement à Reims, l'ayant porté presque à bouts de bras pour qu'il accède au trône. Un roi qui régnait à Bourges, qui avait pour argentier Jacques Coeur et pour maitresse la superbe Agnès Sorel, favorite vivant au château de Loches... Agnès Sorel et Charles VII qui seront immortalisés par des portraits réalisés par un grand peintre de l'époque Jean Fouquet.
Le livre évoque tous ces personnages, et bien d'autres, et remet en mémoire certains événements historiques, mais le thème principal est la réhabilitation de Jeanne d'Arc, brûlée à Rouen sur la place du Vieux Marché en 1431 à la suite d'un procès dirigé par l'évêque Cauchon.
Le procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc aura lieu en 1456, après que les anglais aient été chassés de Normandie et de Guyenne et que le souverain retrouve tout son pouvoir en son royaume de France.
Un roman que j'ai apprécié pour le sujet abordé et pour la bonne qualité d'écriture de l'auteur.
Le livre est élégant et la mise en page soignée. Il est illustré par quatre reproductions, en couleur, de tableaux de Jean Fouquet.
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"L'automne du Moyen-Age" de Johan Huizinga figure parmi les ouvrages de référence dont le romancier s'est servi, et qu'il mentionne à la fin de son volume. Michel Bernard situe au milieu du XV°s l'intrigue de son livre, qui est la révision du procès de Jeanne d'Arc, et sa réhabilitation, après la victoire finale de Charles VII sur les Anglais chassés de France. L'auteur ne décrit pas cette fin de guerre de Cent Ans sous forme de batailles, mais par ses effets sur les campagnes normandes, qu'il évoque magnifiquement, avec celles du Bar ou de Touraine. En revanche, il sait raconter en détail tous les problèmes politiques posés par la victoire finale du roi de France : Paris, la Sorbonne, l'Eglise dans une grande partie, ont collaboré avec les Anglais ; que faire des collaborateurs, que faire de ceux qui ont fait brûler Jeanne à l'issue d'un procès inique ? Au-delà de la question historique, le lecteur d'aujourd'hui saura reconnaître des préoccupations très contemporaines et très modernes, puisque notre passé proche et même notre présent sont pleins de trahisons et de collusions avec l'ennemi, quel que soit son visage.

Ce problème politique met en évidence la personne du roi Charles VII, à la fois grand et sage roi, et pauvre homme esclave de ses passions et de ses peurs. Autour de lui, comme dans tout bon roman historique, on rencontre de hauts fonctionnaires et maints hommes d'église, et aussi Dunois, compagnon de Jeanne et grand guerrier. La grande réussite du roman, toutefois, c'est le personnage du peintre Jean Fouquet, auteur du portrait cruel, réaliste et extraordinaire, du roi Charles, mais aussi de celui d'Agnès Sorel, sous sa première forme de favorite du roi, puis sous les traits de la Vierge allaitante. Michel Bernard, dans ses pages sur la peinture, est réellement très inspiré, et l'on retrouve les accents qu'il avait pour Rodin ou Monet dans d'autres ouvrages.

Mais bien sûr, la figure centrale du roman, c'est Jeanne. Elle est morte, brûlée, ses cendres dispersées. Privée de forme physique, elle est partout présente dans les esprits : dans celui de Fouquet, qui ne peut évidemment la peindre, mais aussi dans celui de ses compagnons qui en vingt ans ont oublié son visage, et en celui des ecclésiastiques qui ont participé à son procès ou à sa réhabilitation : le notaire Manchon, Thomas de Courcelles, qui demanda qu'on la torture, le cardinal d'Estouteville attaché à sa réhabilitation, tous les complices de la parodie de justice, et les exécutants. Jeanne survit sous forme de livre, dans les archives et les minutes françaises et latines de son procès, scrupuleusement notées par Guillaume Manchon qui s'en trouve marqué à son tour. Tous les lecteurs qui enquêtent dans ce gros livre, surtout des ecclésiastiques, entendent clairement sa voix, ses réponses pleines de bon sens et d'humour, son accent. On pourrait avancer que le personnage principal du roman, c'est le livre où sont consignées ses paroles. Vers la fin du récit, on se rend compte qu'elle est, proprement, la voix de la France qui continuerait de résonner même après la destruction de son corps.

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Vous êtes un passionné d'histoire et vous appréciez la lecture d'un bon roman historique ? Alors, il ne faut pas hésiter à ouvrir ce roman de Michel Bernard. L'auteur nous invite à suivre plusieurs hommes qui vont agir (et même carrément se démener) pour redonner un peu d'honneur post-mortem à Jeanne d'Arc en faisant annuler la condamnation qui l'a conduit au bûcher.

Le contexte historique ? La fin de la guerre de cent ans. Les personnages ? Un notaire (ecclésiastique), des universitaires, des responsables militaires, jusqu'au roi, Charles VII. de nombreux personnages donc, mais on s'y retrouve et c'est plutôt un tour de force car entre le contexte historique, l'histoire passée avec le procès de Jeanne d'Arc et le destin individuel de ces nombreux personnages, il y avait de quoi perdre le lecteur. Pour autant, ce n'est pas le cas, le lecteur s'y retrouve. L'auteur a fait le choix d'un roman court (moins de 200 pages) et cela lui suffit. Il se paye même le luxe de développer des histoires « annexes » tel que la relation de Charles VII avec Agnès Sorel et le portrait peint à l'époque par Jean Fouquet. Il faut aussi noter qu'il n'y a aucun dialogue dans ce roman.

Avec ces nombreux éléments, il faut une construction sans faille, un rythme léché et une écriture parfaite pour ne pas noyer le lecteur, et il faut bien avouer que c'est le cas pour ce roman. Certes, quelques connaissances historiques ne sont pas superflues avant de se plonger dans ce récit mais pas besoin d'être un historien, ce roman pourra même vous donner envie d'en savoir plus et de creuser un peu cette période riche de l'histoire de France.

C'est donc un roman historique de qualité que Michel Bernard nous livre. Je pense toutefois qu'il faut une appétence particulière pour les romans historiques afin d'apprécier pleinement ce roman, un lecteur qui n'adhère pas à ce type de roman aura sûrement un peu de mal à en venir à bout. Une lecture très intéressante donc, une belle écriture, mais un livre s'adressant quand même à un lectorat assez spécifique même si il peut conduire des lecteurs moins initiés dans ce genre à s'intéresser de plus près à l'histoire moyennant quelques efforts (efforts que ce livre mérite).
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critiques presse (2)
LeFigaro
06 février 2020
Le récit prend son temps, fait des détours pour bien installer le paysage et l’arrière-plan historique. Vingt ans après sa mort, la jeune paysanne dont l’audace avait renversé le cours de la guerre contre l’occupant anglais n’est plus qu’un lointain souvenir.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
07 janvier 2020
Après « Le Bon Cœur », son roman de la Pucelle, l’écrivain livre celui de sa réhabilitation, dans les annés 1450, grâce à Charles VII : « Le Bon Sens ».
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Charles VII n'était pas venu à Rouen pour assister à la proclamation de l'arrêt annulant la condamnation de Jeanne, fille de Jacques d'Arc et d'isabelle Rommée, par l'archevêque de Reims, dans le palais archiépiscopal, le matin du 7 juillet 1456.

Quel geste pour l'histoire s'il avait écouté ce qu'on lui conseillait. Jusqu'au bout, il fut un petit homme dans un grand roi. Lui, Dunois, n’avait pas manqué ce rendez-vous. On devait bien ça à la paysanne de Domremy.

Un des exemplaires des articles d'accusation, sans doute rédigés par Thomas de Courcelles au mois de mai 1431, avait été symboliquement lacéré en public après que Jean Jouvenel des Ursins l'avait ordonné. Bouillé, voulant honorer son ami, avait proposé à Manchon de procéder à l'opération de ses mains. Horrifié, le libraire avait repoussé l'offre vigoureusement. La destruction d'une archive, quelle qu'elle fût, quel qu'en soit l'auteur, lui était insupportable.
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Jean de Dunois observait devant l'estuaire de la Seine les mouvements des navires battant pavillon aux lys de France. Ils avaient essuyé les tempêtes de décembre, janvier et février mais jamais n'avaient cessé leur ronde vigilante, dissuadant la marine anglaise de forcer le blocus. Privée de secours, la garnison de Honfleur ne devait plus avoir grand-chose à manger, les habitants non plus. Encore quelques boulets de fer crachés par les bombardes de Jean et Gaspard Bureau contre ses murailles, et la ville, après Harfleur, se rendrait à son tour. Assis sur un talus, le lieutenant général attendait que le fruit tombât. Près de lui, se trouvait Jean de Metz.
Au soir de l'entrée dans Rouen, Dunois était allé sur la place du Vieux-Marché où Jeanne avait été brûlée. Depuis la reprise de la guerre, le tourbillon des événements n'avait guère favorisé les méditations rétrospectives, mais dès que les clochers de Rouen avaient troué le brouillard il avait senti sa présence. "Allons Bâtard, allons!", ses oreilles avaient cru l'entendre tandis qu'il franchissait derrière le roi la grande porte de Rouen, ses yeux avaient cru la voir dans la pénombre de la cathédrale : cette silhouette menue au pas décidé, cette tête ronde à la chevelure drue et brune, ce petit visage imberbe et pâle. L'illusion avait duré une longue minute... C'était un jeune écuyer.
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Il avait bavardé avec Villon, après que celui-ci avait bu deux ou trois coupes de vin pour oser s'approcher du prestigieux vainqueur des Anglais. Dunois n’aimait pas revenir sur ses campagnes, sauf avec ses camarades. Les gens s'imaginaient des choses ridicules sur la guerre, qui est laide et cruelle. Villon avait abordé le sujet, et puis avait renoncé à poursuivre lorsque le lieutenant général l’avait coupé pour lui dire que Jeanne n'était pas lorraine, mais née en Barrois, et préciser que si elle avait été lorraine, née sur l'autre rive de la Meuse, elle se serait trouvée à cette époque du côté des Anglais.
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Les deux chefs anglais se souvenaient des heures de gloire quand les léopards d'Angleterre galopaient irrésistiblement à travers la France. Le plus grand royaume de la chrétienté à leur merci, tout était possible, jusqu'à ce que surgit cette vachère, cette sorcière sur la Loire. Elle avait capturé Talbot à Patay, l'avait contraint à défiler dans Orléans délivrée derrière son cheval avant d'aller faire couronner Charles à Reims. Les Bourguignons, alors leurs alliés, avaient beau l'avoir prise, vendue, ils avaient beau l'avoir eux-mêmes fait brûler ici, sur la place du Vieux-Marché de Rouen, et jeté ses cendres dans la Seine, le sortilège n'avait pas été levé. Le cycle de la gloire anglaise sur le continent maintenant s'achevait, et leur revenait le pitoyable honneur d'assister à ses derniers moments. Triste automne.
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Tout le monde avait oublié. A Charles VII, au moment du procès en révision, il [Dunois] avait conseillé de témoigner devant les commissaires, comme les plus humbles de ses sujets. Le grand livre de l'histoire était ouvert, le souverain servirait la grandeur du royaume en mêlant sa voix à celle de son peuple. Saint Louis aurait agi ainsi. Le roi avait réfléchi un instant, puis avait avoué que l'essentiel, ce qu'elle lui avait dit lors de leur première rencontre dans la grande salle du château de Chinon, il ne s'en souvenait plus. Il avait ajouté que, pourtant, certains jours, la manière dont elle l'avait dit, son accent de l'Est si marqué, son enthousiasme, la précision de ses mots et le flux rythmé de son discours, lui revenaient par bouffées. C'était une joie, et il se sentait alors comme soulevé au-dessus de lui-même. Une sorte de force, qui était en elle, passait en lui. Elle avait ce don de parole, très différent de l'éloquence des clercs. A cause de ce parler lourd, traînant, ce qu'elle disait semblait monter du plus profond du pays, de la terre, du coeur du langage commun, du français lui-même. Il s'était rendu compte qu'avec cette fille qui lui était étrangère en tous points, il partageait des mots qui pour eux deux, l'un roi, né et grandi à Paris en bord de Seine, l'autre paysanne, originaire d'un petit village en bord de Meuse, désignaient et exprimaient les mêmes choses.
p. 186
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