"Tu mets des prothèses pour qu'il se taise. Pour bien entendre son silence." (p. 14)
Tu essayes de dire quelque chose. Les mots s'étirent, se gondolent jusqu'à devenir un long râle de détresse discordant comme un disque que l'on arrête d'un doigt. Tu titubes, tu vacilles. Tu tourbillonnes comme un pantin désarticulé. Tu craches ton repas. Ta vie.
"Tu ne fus pas malheureuse. Tu ne fus simplement pas heureuse." (p. 92)
Tu serais la femme parfaite.Irréprochable.La femme de tous ses désirs et peu importait qu'il en oublie les tiens.Tu ferais pour lui tout ce qu'il ne ferait jamais pour toi.Tu croyais en lui comme on croit en Dieu.Tu l'épousais comme on entre en religion....Tu accepterais de lui obéir telle une esclave obéit à son maître.
Parfois tu affabulais au point de croire à tes histoires. Mais quand sonnait la cloche, à l'heure de la récréation, tu avais toujours cette petite aigreur dans l'estomac à cause de ce sentiment d'exclusion que tu ressentais quand même.
Un jardin sur le ventre est plus qu'un roman. Il est un poème à lui seul. Les phrases courtes et les répliques sont pertinentes. Parfois il m'est arrivé de rire de certaines descriptions, de rire en étant révoltée de la gravité de la situation. Ce roman est pur bijou. Je dirai même que je le classe dans la lignée de Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan. Lorsqu'on commence à le lire, on n'a du mal à s'arrêter. Coup de coeur pour ce livre.
Tu souffles un nuage couleur framboise sur ton oreiller. Tes petits enfants s'enfuient dans le couloir. Tu étouffes. Meurs. Le monde meurt partout. Les arbres, les poissons, les rivières. Meurs Suzanne. Meurs. Toi qui a toujours cru que la vie continue, tu seras oiseau, fleurs, vent, mer, terre. Meurs. Tu te libères de tes chaînes. Tu reprends ta liberté. Un océan rouge dans la tête.
Quand ta mère posait ta valise devant la porte d'entrée pour te faire croire qu'elle allait se débrrasser de toi si tu n'étais pas sage. Tu n'avais pas six ans.
"Je vais avoir du mal à lui pardonner. À effacer de ma mémoire cette maltraitance subtile qu'il nous a fait subir sous le couvert de l'amour justifié." (pp. 155-156)
- Ca fait cinquante ans qu'on vit ensemble et t'a toujours pas compris que que j'aimais la viande bleue !
Le bleu tu l'as eu sur la joue.