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Citations sur Des châteaux qui brûlent (18)

Au cours des trois heures qui suivirent (la fin de la matinée, le déjeuner) personne ne parla de ces articles devant Montville. Il n’eut pas d’explications, seulement le résultat : on était froids. Il s’est énervé, il a eu le sentiment que cette distance était une nouvelle étape dans le renoncement à cette révolution dont il s’était juré, la nuit précédente, qu’il ne ferait jamais le deuil. Ils s’étaient d’abord opposés à la fête, c’est-à-dire – à ses yeux – à une attitude souveraine ; ils renonçaient maintenant à la révolution elle-même, et à tout l’orgueil qu’ils pouvaient en tirer. Ils avaient d’abord abandonné la joie, ils renonçaient aussi à la fierté. Il est donc revenu à la charge et a mis encore plus d’acharnement à décrire ce qu’allait être, dans l’histoire de cette semaine, le concert, la fête, et l’effet d’un tel moment sur les consciences et sur les corps. Mais en insistant comme ça, il creusait sa tombe en quelque sorte, ou plutôt il achevait de détricoter le lien qu’il avait noué avec les salariés de La Générale au cours de la semaine ; il semblait insister sur la chose la plus futile et contestée, comme un stratège peut s’entêter à vouloir suivre un plan absurde. D’autres se montaient le bourrichon – mais comment évaluer le rôle de la fatigue accumulée dans la pertinence des avis qui s’opposaient ? – et ils n’hésitaient plus à le décrire comme un chauffeur qui nous mènerait vers le ravin. Alors quoi ?! Eh bien il faut le prendre de vitesse, ce chauffeur fou, pour qu’elle n’ait pas lieu. Quoi ?! Mais cette fête voyons ! Et plus personne ne se comprend. (Vanessa Perlotta, salariée)
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– Pourquoi je fais le malin, Fatou ?
– Tu fais le malin car c’est à lui que tu parles, tu veux te le payer comme personne, le mec t’énerve, ça se sent. Qu’est-ce qui va se passer pour ta colère si tu finis par le trouver sympa ? Un mec sympa et hop c’est tout le système qu’est de nouveau sympa ? Il t’invite dans les bons restos et hop tu prends du bide ? On doit être forts ; on sait que c’est pas le plus coupable ce mec, et c’est ce qu’il représente qu’on va juger. Si on juge la personne on sera pas crédibles parce qu’il est innocent, on le sait. On va juger un innocent, ça va terrifier tout le monde et tout notre boulot ce sera de prouver qu’en fait il ne l’est pas, qu’en profondeur il ne l’est pas et qu’en le jugeant, nous, on sort de la culpabilité. Nous alors on bascule dans l’innocence. (Gérard Malescese, salarié, unité d’équarrissage)
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Dans les Tex Avery, quand un type est pourchassé, il continue de courir même après avoir dépassé le bord du canyon, alors qu'il a sous les pieds un vide immense. Il aurait pu courir encore, mais il vient de se dire "C'est impossible, ça n'existe pas" et il tombe à pic. Pour nous, pareil : on est en train de sentir le sol se dérober mais il n'y a que notre fermeté alors on continue de courir et on atteint bientôt ensemble l'autre bord du canyon, on continue. On n'est plus d'accord sur tout, certains ont peur et ça divise, on continue.
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Paris a pris feu à cause du mot "brioche", en 1789. "Chocolatine" est plus long ; avant la fin on en a déjà assez. "Brioche" était nettement plus dangereux ; avec cette lettre qu'est comme mangée, à la fin, c'est comme si on te la retirait de la bouche, cette brioche.
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Ce que tout le monde verra, c'est l'évidence d'une guerre, entre des retraités de Floride gavés de langoustes et à ma gauche les employés des abattoirs bretons, trompés de bout en bout par la légalité de ce carnage, par ces obus à tête de lettres, en accusé de réception. P.83
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D'un côté la colère, et de l'autre les cases où on la fera entrer, au chausse-pied si y a besoin, en s'amputant des orteils quand ils dépassent. Mais, quand elle est transformée, la colère, ça ne peut être que dans le sens d'une direction, c'est-à-dir canalisée ? P.323
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Je n’ai plus de téléphone portable, ça y est. Ils sortent de la pièce sans me dire quel sera le cadre de cette action, ce qu’ils vont demander. Je n’imagine pas un instant que ma vie est en jeu. Ou plutôt si, justement : j’y ai pensé comme on se dresse sur la pointe des pieds par exemple, le bras tendu au maximum pour essayer d’attraper un pot de confiture placé tout en haut. Et il n’y a rien à faire, je ne suis pas assez grand. J’y ai pensé comme ça : je ne suis pas Kennedy, je ne suis pas Aldo Moro ni Lumumba. Je ne suis pas assez grand, ce serait grotesque. (Pascal Montville, secrétaire d’État)
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Les médias sont de droite, même quand ils sont à gauche - ils ne pensent pas que la générosité existe, ils croient qu'un groupe est toujours bête, et violent.
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Les luttes sociales sont racontées comme une succession de moments tragiques implacables. Est-ce que ce sont celles qui vont au bout ? Dans une manif, les voix qui n'ont pas de micro sont souvent pleines d'humour, de chansons drôles et mordantes. Avoir des plaisir un peu ivrognes est-ce que ce n'est pas déjà l'insurrection ?
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Nous ne sommes pas autorisés, les regards sont craintifs. Si un froissement d'ailes s'était fait entendre on se serait tous vus mulot ou campagnols. À chaque pas dans la cuisine immense, et déserte, on se redit qu'on est des révolutionnaires, il n'y a pas d'autorisation a demander, pas de badge à biper. On casse les serrures, les portiques, et on arrête de mettre les patins, de s'excuser, on arrête de se laver les mains pour tuer la vermine qu’on porte pas, ou qu’on porte et on s'en fout. Il faut.
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