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Critique de rotko


rotko
18 novembre 2014
Être l'instrument du Mal.

Voilà un livre bien mené, dans l'Espace et dans le Temps. On parcourt essentiellement la Corse, malgré des incursions orales en Italie et en Grèce, avec des paysages très présents, abrupts, propices aux embuscades comme aux fuites salvatrices. L'époque, c'est un XIXe turbulent et sanguinaire, qui allie au début la lutte pour l'indépendance contre les Bleus, et le refus de la Conscription.

Mais, comme souvent, les combattants connaissent des dérives, de militants sincères et armés, ils deviennent des mercenaires et des « Bandits corses », dans des épisodes plus souvent horribles et sanglants que savoureux.

Au départ une affaire de vengeance amène une jeune fille corse à engager un tueur patenté pour châtier des criminels parfaitement odieux. le Tueur, « l'Infernu », accepte, ce sera sa dernière affaire, et Vénérande obtient de l'accompagner dans sa traque, particulièrement malaisée et périlleuse.

En chemin L'Infernu raconte ce qu'il a vécu, et le récit avance donc sur deux plans : celui des actions passées, et celui du présent, l'acteur devient conteur, Vénérande écoute, parfois critique, séduite et effrayée par les faits rapportés. Puis le conteur devient acteur , et c'est Biancarelli qui prend le relais des scènes haletantes, et des conversations serrées entre les deux protagonistes. L'harmonie est grande entre ces deux narrateurs successifs, Biancarelli adopte le ton de son personnage, jusque dans la gloriole et le cynisme :

« L'Infernu avait agi vite, de manière cruelle, certes, mais somme toute assez généreuse, sans s'attarder sur la découpe, tranchant dans le vif plutôt que cisaillant, et de plus il avait une bonne lame, affûtée à merveille, pas un outil qui accroche ou qui ripe, et à ce moment là c'était tout de même appréciable. »

Ils font de cette histoire un western animé, avec chevaux, justiciers cruels, et crapules sans vergogne, à moins qu'elles n'aient une grandeur dans le Mal.

Car le Mal est revendiqué - et assumé, par Vénérande et l'Infernu, celle-ci commanditant les meurtres et y prêtant main forte, celui-ci expliquant son parcours depuis son jeune âge jusqu'à sa grande expérience dans le crime. Au début il n'était qu'un adolescent, « Ange » lui servait de prénom, avant que le surnom mérité de « L'Infernu », n'atteste sa grandeur dans le Crime. « Ange Colomba », à croire que son nom prendrait tout son sens avec la rencontre d'une femme avide de vengeance.

On a deux histoires d'initiation, celle du tueur, et de Vénérande : des liens rapprochent progressivement la jeune fille et le vieil homme, dans le cheminement « moral » et la pratique. Tous deux évoluent, ce qui amène le thème de la Rédemption. Il sera question d'un monastère, dans des plaisanteries du Tueur, comme au cours de l'action : le Mal, une fois commis, deviendrait objet d'une réflexion transmise.

La couverture du livre, avec un cavalier semeur de morts, et le titre « les orphelins de Dieu » ouvre le champ à un « western métaphysique », au langage cru et sacrilège :

« Je crois comme ça que cette ordure qui est Notre Seigneur a pris un peu de tout les ingrédients les plus pourris de la nature humaine et qu'Il a foutu tout ça dans un bocal, avec nous au milieu pour voir ce que cela pourrait donner, et comme ça il saurait et Il éviterait de reproduire partout le même potage […] Il nous a choisis parmi les cobayes les plus zélés. La haine, le ressentiment, la jalousie, la convoitise, la médisance, on dira que c'est à peu près ce qui se partage le mieux dans ce putain de territoire, et si on y ajoute l'enculerie, la politique, la tyrannie, l'oppression et la guerre permanente, la vengeance et la corruption, je crois qu'on un terreau durable pour que le merdier légué par nos anciens se perpétue encore longtemps. »

Il est possible que les dernières pages concernent la Corse elle-même, se rappelant ses anciens forfaits pour mieux s'en débarrasser et changer de voie.
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