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Citations sur Trois nuits dans la vie de Berthe Morisot (11)

Berthe, couchée sur le dos, regarde dans le noir. Ca ne se voit pas, le noir. Ca flotte entre les choses, comme un gaz. Ou alors, ça émane des choses, comme la lumière émane du soleil. Le monde, pendant la nuit, diffuse du noir. Le monde est un poulpe géant qui vide sa poche d'encre dans l'espoir de tromper ses ennemis. Le noir, ce n'est pas une couleur, tout le monde le sait. D'ailleurs, aucun peintre n'en a sur sa palette. Ce que les gens prennent pour du noir sur les tableaux est un savant mélange de bleu, de vert et de rouge. Le noir pur n'a pas de profondeur. Il convient pour l'encre d'imprimerie, l'encre dans l'encrier, pour écrire un roman confus, une phrase mélancolique, un mot de condoléances. Il ne peut pas traduire le monde, qui est fait de couleurs. Sauf pendant la nuit.
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Eugène dort déjà, il a cette faculté de s'éteindre sans transition, sans annonce, sans soupir, comme un prestidigitateur qui sort le lapin blanc du sommeil de son chapeau. Ca l'ennuie parfois, Berthe cet égoïsme. Elle est jalouse, elle, qui pense à la peinture, ce qui l'empêche de fermer l'oeil... Dehors, une chouette ulule. Si c'est une chouette. Berthe a chaud sous la couette, elle sort une jambe, appât pour les monstres sous le lit. On distingue l'emplacement de la fenêtre, le noir y a une autre qualité, moins cotonneuse, plus fluide, parsemée de paillettes. Où est la lune, avec sa mélodie de hautbois, son exquise pâleur, ses ombres qui refusent la bataille ? La lune, loin, seule et froide. Parfois, Berthe a de la peine pour elle. Et parfois a de la peine pour elle-même, sans savoir pourquoi. La nuit, c'est l'ennemi des peintres. Demain, elle fera un tableau du jardin. Eugène refuse de poser. Allongée sur le dos, elle essaye de comprendre pourquoi ils sont deux dans ce lit. A table, c'est agréable, d'être deux. Eugène mange très proprement, malgré sa barbe. Pour la promenade ça va aussi. En hiver il porte des gants de pécari, et il est capable d'expliquer que le pécari est un mammifère de la famille des Tayassuidae présent en Amérique du Sud, en Amérique centrale, au Mexique et dans le Sud des Etats-Unis... C'est au lit, une fois couchée, qu'elle sent un malaise qu'elle ne saurait expliquer et qui est probablement dû au fait qu'ils ont fait l'amour seulement trois fois depuis leur nuit de noces il y a six mois. Ce n'est pas assez pour comprendre.
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Ils ont rêvé d'un restaurant, d'un dîner sous la tonnelle, ils doivent se contenter d'un estaminet qui sert des plats. Le seul du village. Les buveurs se taisent quand les deux étrangers entrent. La salle sent le crapaud. Berthe a mis sa robe de voyage et son chapeau de ville, Eugène porte un pantalon à rayures et un chapeau melon. Le patron donne un coup de torchon au zinc et, affable, leur indique une table. Le couple s'installe. La patronne sort de la cuisine. Il lui manque deux dents de devant, elle a du mal à prononcer les D et les T. Voilà pourquoi sur le menu il y a poulet, pas dinde, oeuf brouillé, pas omelette, flan, pas tarte Tatin. Eugène commende pour deux, la patronne, chargée d'une mission sacrée, repart dans sa cuisine.
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La nuit, penaude, a tout rendu au petit matin.
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Ça l’ennuie parfois, Berthe, cet égoïsme.
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Il y a plus de culs à l’air au musée que dans un bordel le jour de l’armistice.
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Le nu est partout, sauf dans la vie. En ville, les femmes se glissent dans leur tub habillées d’une chemise. Dans la chambre, la bougie est toujours soufflée. À la plage, elles doivent se changer dans d’étroites cabines.
Pas aujourd’hui.
Jour de fête.
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Le chevalet de campagne, aux articulations en cuivre, ressemble à une petite potence. La toile est blanche; le jardin est en couleurs. Berthe dépose de petites virgules de peinture sur sa palette. Bleu, blanc, rouge, vert, jaune, ocre. Elle admire l'ordre qui y règne, chaque couleur luit comme un œil. Elle adore les promesses, elle redoute l'échec. Pas besoin de dessin préparatoire.
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Nuit et son compagnon, Noir, leurs enfants, la petite Aube aux joues rouges et son frère Crépuscule, au caractère plus sombre, dorment à poing fermé. Le grand Minuit, l'ainé, compte les heures avant d'aller se coucher. Nuit veille, elle aimerait bien aller faire un petit tour dehors, mais sans Noir. Noir est morose. Il se met facilement en colère. Il ne travaille pas. Il ne fait rien dans la maison, n'allume pas le poêle, n'achète pas de bougies, ne repeint pas les volets. Il passe des heures dans la forêt, plongé dans une profonde tristesse. Il a une vision manichéenne du monde et n'aime pas le gros Gris, un ami de Nuit, qui relativise tout. Pourtant Noir adore sa Nuit. Il lui dit des choses profondes, il prétend qu'ils sont faits pour vieillir ensemble, il ne la quitte pas d'une semelle. Parfois Nuit étouffe. Surtout en été. Parfois Nuit rêve d'une autre vie, remplie d'éclats d'ombre et de lumière, où on fait la noce sous des drapeaux claquant dans le vent. Le beau Matin lui a fait des avances, il a essayé de l'embrasser, il dit qu'il aime bien les négresses; elle pourrait s'enfuir avec lui, mais elle ne veut pas abandonner les enfants. Alors elle reste là, assise sur le divan, à écouter Noir soliloquer en marchant de long en large. Elle rêve d'un jour nouveau.
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Berthe lève les bras. Les poils de ses aisselles sont noirs. Sa toison déborde de son pubis sur ses cuisses, sur son ventre.
... Son chignon balance, ses oreilles ressemblent aux anses d'une amphore... En sortant de la rivière, elle ne ressemble pas à une Vénus. L'eau coule de son menton, la flotte pisse de sa motte, sa peu luit, grasse, ses oreilles de décollent plus que jamais.
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