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Critique de MaMalleAuxLivres


Ce livre, je le connaissais. le titre m'avait déjà interpellée, j'avais vu mon père le lire et savais qu'il était dans sa bibliothèque. Mais j'avoue que je ne m'y étais jamais intéressée, je n'avais jamais eu la curiosité de creuser. C'est mon prof d'Histoire/Géographie qui nous en a récemment parlé, en bien évidemment, puisqu'il a fini par me convaincre. C'était l'occasion ou jamais d'en apprendre plus sur la Seconde Guerre Mondiale, sujet qui m'intéresse franchement. Alors je l'ai lu. Et je suis perplexe. A vrai dire, je suis à l'heure actuelle incapable de vous dire si j'ai adoré ou si j'ai détesté.

Je ne sais même pas par quel bout prendre ma chronique, j'ai l'impression d'avoir à vous chroniquer un OVNI. En même temps, je ne crois pas que ce ne soit qu'une métaphore... Bref. Ici, on ne peut pas parler de personnages. Toutes les personnes citées ont réellement existé, ont eu ces caractères. Heydrich est mis en avant dans le résumé, mais il n'y a bien entendu pas que lui : Nous découvrons de nombreux autres acteurs de l'Histoire, et en particulier de l'Opération Anthropoïde, dont deux hommes marquants : Gabcik et Kubis. (Vous m'excuserez, il manque les accents.) Ma curiosité a été ainsi assouvie : Evidemment, cet assassinat a été un début d'enfer, (Je pense notamment au village de Lidice), mais aussi un début de libération à mon sens, c'est donc pour cela que mieux découvrir ces deux jeunes et ceux qui les ont aidés de près ou de loin m'a semblé fondamental. Je ne peux de toute évidence ni vous analyser ni vous décortiquer les personnalités de chacune de ces personnes : Etant chroniqueuse et non psy, juger des gens "réels" serait un peu grotesque. Mais je peux en revanche vous dire qu'on en apprend beaucoup sur eux, et qu'on est parfois surpris...

Clairement, le style de l'auteur est vraiment étrange, et déstabilisant. Celui-ci est en effet omniprésent dans le texte, nous confiant ses réflexions, ses pensées, ses gestes les plus futiles. On a l'impression de lire son livre en même temps qu'il l'écrit, c'est vraiment spécial. Il faut s'accrocher, avouons-le. Certes, certains trouveront cette "incrustation" égocentrique ; pour ma part, je l'ai trouvée pertinente : Elle permet en effet de ne pas tomber dans la récitation pure et simple, d'apporter plus de fluidité et de souplesse à cet ouvrage béton. Et il est toujours intéressant d'avoir un autre point de vue, ou un humour un brin caustique... Bien entendu, ça reste froid et distant, mais n'est-ce-pas le reflet de cette barbarie gratuite qu'était la Solution finale ?... (Et encore là, je vous fais un bel euphémisme...)

Mais alors, avec un tel résumé et une écriture si atypique, comment peut-on définir ce "roman" ? Excellente question, car ce bouquin est tout simplement indescriptible. Inutile de le préciser (Mais je le fais quand même, notez-le.) que ce livre est une mine d'or en matière d'informations historiques. Il y a tellement de choses à dire ; on comprend assez vite pourquoi l'auteur semble, au début, se perdre à chaque chapitre. Je pense pouvoir dire que le contenu est irréprochable, on ressent -voire même on vit- les nombreuses recherches de l'auteur, on apprend tellement ! Pour être tout à fait honnête, j'avais un peu l'impression d'un bourrage de crâne intensif durant plus de 400 pages. Mais je ne dis pas que c'est pénible, loin de là ! Au contraire, ceci est vraiment enrichissant. Toutefois, il faut signaler que c'est vraiment surprenant. L'Histoire, j'adore ça, les romans historiques, j'en ai lu une palanquée, en jeunesse comme en adulte. Mais jamais je ne me suis trouvée face à tant d'authenticité, et c'est franchement effrayant, il faut le dire. On a au départ du mal à réaliser que le moindre détail de ce livre est vrai, jusqu'à la couleur de la voiture d'Heydrich. Oui, ceci m'a marquée, parce que sincèrement, en temps normal, on s'en fiche totalement de savoir si elle est noire ou verte. Mais là, non, il y a une nécessité de perfection historique frappante, et qui fonctionne très bien. Je n'ose même pas imaginer les années qu'il a fallu à Laurent Binet pour chercher ces moindres détails, et je salue l'énorme travail qui a été fait ici. Sauf que jusque là, tout ceci est bien beau, mais l'auteur n'a pas inventé grand chose. Rien, à vrai dire, puisqu'il met un point d'honneur à ne fournir (presque) que des informations vérifiées et assurées. Alors, comme ça, il s'est contenté d'amasser des éléments pendant des années et de nous les rebalancer à la figure ? Que nenni mes chers petits. Que nenni. Il va plus loin, et parvient étonnamment à implanter une seconde intrigue dans son bouquin. Tout le monde sait comment l'opération Anthropoïde a fini. Néanmoins, il y a une interrogation qui hante les pages de ce livre : Laurent Binet parviendra-t-il à mener son projet à bien sans recourir à la fiction ? S'ensuit alors, implicitement, une excellente réflexion sur la place du romanesque dans L Histoire. C'est fin, c'est discret, mais c'est là. Et j'ai vraiment adoré cet aspect de l'ouvrage, qui met en avant cette didactique de façon presque, on peut le dire, perverse. Cette éviction de l'imaginaire devient obsessive pour l'auteur, et finit par l'être aussi pour le lecteur. Je ne m'attendais pas à cela, mais c'est rondement mené. Ceci n'est évidemment pas capital, cependant, ça m'a marquée, c'est pour cela que j'ai tenu à le faire remarquer. La bataille est double, dans ce récit. L'une contre la Solution finale, l'autre contre la fiction.

La chute est bien entendu sans surprise, si vous connaissez un minimum votre cours d'Histoire. En fait, si vous ne savez pas comment tout ceci se termine, vous n'avez plus qu'à lire HHhH ! Passons. Même si cette issue est réelle, si "l'aventure" s'est concrètement achevée ainsi, j'avais l'impression de lire un policier. Sérieusement, c'est tellement dingue et héroïque comme fin ! On aurait tout à fait pu la croire née de l'imagination de l'auteur (Quoique, après avoir lu son ouvrage, pas si sûr...) tant elle est riche et chevaleresque, c'est assez stupéfiant. A mon grand soulagement, on finit par savoir ce qui est advenu de toutes les personnes nommées dans cet ouvrage, aucun brouillard ne reste planer sur des événements qu'on préférerait oublier. Une fois de plus, la réalité est de mise. C'est loin d'être gai, mais au moins, c'est archi-complet. Et étant friande d'anecdotes, de broutilles, ça n'a pu que me plaire. On sent vraiment que Laurent Binet ne veut plus lâcher son ouvrage, que mettre le point final est pour lui une épreuve, qu'il a encore plein de choses à nous dire, ça en devient touchant. Dans chaque mot, sa passion est palpable, et communicative.

Le titre est très intrigant, symbolique, surprenant, et surtout imprononçable. Si ce dernier point m'a passablement agacée, (Les gens comprennent hache hache hache hache et vous prennent pour une demeurée), le reste est parfait. La couverture est très spéciale et réfléchie, à l'image du texte, mais séduisante, symbolique, tout comme le titre en fait. L'alliance des deux rend ce bouquin encore plus particulier, et donne envie de s'y intéresser, par curiosité. On ne va pas se leurrer : Il faut avoir vraiment envie et être un peu barré pour se plonger dans un roman comme celui-ci. La combinaison gagnante, c'était alors un visuel qui donne envie. le contrat est donc rempli.

En rédigeant ma chronique, j'ai compris que j'avais sincèrement apprécié ma lecture, qui change de l'ordinaire, mais dans le bon sens. Ce n'est pas quelque chose à dévorer pour se détendre, mais plus pour s'instruire. Ecrire 400 pages exclusivement sur Heydrich est risqué. Se prendre la tête avec la fiction est risqué. Couplez les deux, et c'est gagné. A lire pour combler vos lacunes en Histoire, ou simplement pour vous cultiver encore plus ! N'ayez pas peur de ce drôle de bouquin, vraiment : Il ne vous veut que du bien. Ayez confiance...
Lien : http://mamalleauxlivres.blog..
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