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Critique de Galadriel


Il y a des jours où on se sent désemparés, nous lecteurs avides, car nous n'avons plus aucun livre sous la main. C'est ce qui m'arriva un beau jour, alors que j'étais à la médiathèque : je tombe alors sur ce livre, Fille du sang. Après avoir lu le résumé, je pensais lire encore une fois un livre avec une demoiselle belle à couper le souffle, dotée de formidables pouvoirs, qui doit encore sauver le monde... Il y a bien sûr ce côté dans l'histoire, mais ne vous attendez pas à du manichéisme, car on en est loin, très loin... Plongez avec moi dans le monde ténébreux d'Anne Bishop, et restez sur vos gardes, car l'arpenter n'est pas sans risques.

Elle vient. L'incarnation des rêves faits chair, la souveraine suprême du Lignage. Sorcière. Vous devrez choisir entre la servir ou mourir. Elle mettra fin au Lignage, tel qu'on le connaît. Ainsi l'annonce Tersa la Tisseuse, la Veuve Noire brisée, avant de perdre la raison.
Des centaines d'années plus tard, une petite-fille, Jaenelle, voit le jour. Cette fillette, aux formidables pouvoirs, qui sait ensorceler son monde, attire bien des convoitises, notamment celles de trois hommes : Sahtan Sa Diablo et ses deux fils, Lucivar Yaslana et Daimon. Qui la contrôle contrôle la Ténèbre. Qui la contrôle voit ses rêves se réaliser.

Dès le début, Anne Bishop nous présente son univers, étape indispensable pour comprendre la complexe société hiérarchisée qu'elle a inventée. L'univers de l'auteure est divisé en trois royaumes : Tereille, Kaelir et Enfer (le royaume des morts). Tous sont gouvernés par le Lignage, composés de personnes dites Ornées (pour la plupart), et qui portent donc des Joyaux, qui, selon leur couleur, sont plus ou moins puissants. Chacune de ces personnes a un rang, qui ne correspond pas forcément à sa puissance magique : chez les femmes, cela va de la Reine à la simple femme du Lignage, qui n'est pas assez puissante pour être Ornée. Chez les hommes, on part du Prince de guerre pour descendre jusqu'à l'homme du Lignage. Et, à côté de ces personnes dotées de magie, il y a ceux qui n'en possèdent aucune, les communs. Nous sommes donc en présence d'une société pour le moins intéressante, où les hommes servent les sorcières (pas nécessairement de manière dégradante, tout dépend dans quel royaume on se trouve), qui exercent un pouvoir d'attraction très puissant.

C'est dans ce monde qu'évolue Jaenelle, mais qui, contrairement à ce qu'on pourrait croire, n'est pas le personnage principal : elle n'est que le point focal, autour duquel les protagonistes vont graviter. L'histoire n'est jamais racontée de son point de vue. Ce qui est intéressant ici, c'est la mise en abyme de la définition de la Reine : elle est celle autour de laquelle gravite toute la société. On ne peut que saluer l'intelligence de l'auteure.
Intéressons-nous maintenant aux trois hommes évoqués dans le résumé : Sahtan. Il est le Sire d'Enfer, le Prince de la Ténèbre (la magie), le maître de Kaelir, amant de Cassandra, dernière Sorcière en date. C'est donc une véritable incarnation du pouvoir, impressionnante et effrayante : et pourtant, Anne Bishop ne cède pas à la facilité. Elle n'en fait pas un despote ou un sage sans saveur. Sahtan peut être à la fois un homme attentionné, aimant et protecteur, et un homme dangereux, le tout affublé d'un profond sens de l'honneur. C'est cette double personnalité, qu'on retrouve chez son fils Daimon, qui en fait un personnage savoureux. Daimon. C'est un esclave sexuel du royaume de Tereille, astreint à cette condition par sa propre tante, Dorothéa SaDiablo : prince de guerre orné au noir, d'une beauté aussi impressionnante que trompeuse, il est surnommé le "sadique", et pour cause : toutes les femmes qui l'humilient sont sujettes à des tortures plus ou moins subtiles, qui vont de la totale indifférence à une boucherie effrayante, le tout sous une froideur feinte. Cependant, il serait injuste de s'arrêter à cela : s'il peut être cruel, il peut également être aimant, protecteur, prêt à tout pour ce qu'il chérit, comme la jeune Jaenelle, dont il est amoureux avant même de la connaître. Lucivar. Si Daimon affiche toujours un visage froid, il n'en est pas de même pour ce prince de guerre orné au Gris Ebène. Esclave sexuel, tout comme son demi-frère, il est l'incarnation de la passion sauvage, de la malice et de l'insolence. Mi Eyrien, mi humain, il souffre de ce métissage, comme de l'humiliation elle aussi imposée par Dorothéa SaDiablo.
Je pourrais aussi vous parler d'Onirie, l'amie de Daimon; prostituée et tueuse de haut vol, qui est tout aussi complexe et travaillée que les aujtres, une femme déterminée et dangereuse, mais qui protégerait Jaenelle au prix de sa vie. Mais je préfère parler d'Hékatah et de Dorothéa SaDiablo : l'une est l'ex-femme de Sahtan, l'autre d'une branche cousine. Toutes deux femmes cruelles, qui éliminent toutes leurs rivales susceptibles d'être plus puissantes qu'elles, mettant des pantins à la place. Deux femmes qui sont prêtes à tout pour éliminer Sorcière... Leur cruauté est tellement grande qu'elle frise la caricature, et c'est bien dommage : elles élaborent une multitude de plans, assez machiavéliques, tous déjoués, ce qui est un peu dommage, car on aurait aimé quelque chose de plus continu, même si on aime suivre leur élaboration, s'ils sont assez intelligents et retors.

L'histoire, elle, est captivante : on suit l'évolution de Jaenelle, qui, voyageant à travers les trois royaumes, se fait des amis, et commence à constituer, sans s'en rendre compte, sa cour. Elle fait connaissance de Sahtan, qui lui enseigne la magie, de Daimon, qui, lui, la protège de sa famille, qui la méprise et la prend pour une folle. Au fil de l'histoire, on découvre une enfant tourmentée, innocente, qui souffre parce que personne ne la croit, elle qui dit avoir rencontré des licornes. Une enfant qui grandit bien trop vite, victime des sévices qu'on lui inflige à l'asile psychiatrique, une petite fille qui ne sait plus si ce qu'elle dit voir est réel. Une petite-fille qui sait faire preuve d'une sagesse extrême, comme de la plus touchante naïveté, une petite qui est humaine sans l'être. Un portrait d'enfant touchant et sincère. Dans les tomes suivants, devenue jeune femme, elle doit s'employer à sauver le Lignage de la corruption qui le ronge, le tout en évitant les obstacles qui sont constamment sur son chemin, et en étant confrontée à des réalités de la vie : ses désirs de jeune femme, ses responsabilités en tant que Reine.

On pourra parfois regretter les passages un peu crus, bien que beaucoup de choses, comme les viols, sont sous-entendus. Jeunes lecteurs et âmes sensibles, s'abstenir, car ce livre est tout sauf gentillet. On adorera l'histoire passionnelle entre Daimon (dont je suis tombée amoureuse) et sa Sorcière, l'évolution des relations entre les personnages, la manière dont Dorothéa et Hékatah sont contrecarrées, les incursions dans le passé des personnages, et le changement de point de vue, qui permet de mieux comprendre et de découvrir ces délicieux protagonistes.

L'écriture est fluide et travaillée, tout comme le reste.

Des personnages complexes, qui font la force de ce livre, un monde effrayant et très riche, une écriture sans défaut. Un véritable Joyau, je tire mon chapeau à l'auteur ! ;)




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