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Critique de Tempsdelecture


J'ai d'abord adoré cette couverture, tout en contraste, avec ces poissons bleus, sur un fond corail : c'est sur les effluves océaniques ne sont pas très loin. Et autour, le Canada, via Terre-Neuve, l'Écosse, l'Islande et la France, la Bretonne. Sur quatre vies différentes, qui côtoient, font l'expérience de l'océan, chacun à sa façon, Camille, William, Lou et Célia. Romane Bladou, par ce premier roman publié par La Peuplade, Maison d'Édition qui se partage justement entre Amérique du Nord et Europe, m'a amené ce dépaysement nécessaire et bienfaisant qu'offre la proximité de l'océan Atlantique. C'est une artiste qui exerce ses talents dans de multiples disciplines, mais avant tout par le biais de la photographie. 

Les quatre histoires se succèdent, toutes reliées entre elles par un texte dont la disposition graphique est altérée dans le but de créer un effet visuel, de vagues, de creux, de rochers. Un genre d'interlude poétique, dont le visuel reflète les variations sur l'océan, qui créé un lien, une transition visuelle, d'un lieu à un autre : la concrétisation visuelle du voyage entre eux. Romane Bladou commence par Camille exilée de Montréal en Terre-Neuve, serveuse dans un restaurant dans l'attente d'elle ne sait quoi. Un but à sa vie, sons sens qui lui échappe jusqu'à présent, une amitié, un amour. À défaut de trouver l'un ou l'autre, c'est une nouvelle forme de solitude, où elle n'est plus si solitaire puisque la présence de l'océan y est immuable. Puis direction l'Écosse, l'une de ses îles, aux côtés du jeune William, qui vit presque uniquement avec sa mère alors que son père est exilé sur une plateforme pétrolière. C'est donc une famille presque monoparentale, mais qui se recompose et décompose au gré des accalmies ou intempéries. Puis, Lou en Islande venu poursuivre ses recherches sur le lompe, enferré dans l'espoir insensé de revoir son frère tombé en mer. Et enfin Celia, sur la presqu'île de Crozon, à l'aube des vacances d'été qui succéderont au baccalauréat. 

Pour les quatre protagonistes, l'océan, son épaisseur, est comme cette mousse expansive et isolante des murs, qui, dans le cas présent, les isole du monde extérieur, grouillant, bruyant, infatigable et éternel : un océan qui impose son propre tempo à leur vie. Quatre existences alanguies qui ont leur temporalité propre. Partir, s'échapper, aller au bout des choses, et au bout du monde. de ceux qui ne savent plus ou aller. S'y enterrer. Une histoire de goût, iodé, poissonneux, de hareng fumé, de morue salée, de crabe, de couleurs, bleutées. de nuances. Des fuites au bout du monde dans des lieux désertés par les populations, comme si l'océan les avait englouti, avait fossilisé l'âme de cette existence passée entre les pierres et les rochers de leur îlot de solitude.

Des moments de vie à capter, sur l'instant, à travers une narration classique entrecoupée de blocs de phrases, de mots, alignés les uns au-dessous des autres, sans coordonnant, des groupes d'actions et d'impressions, peut-être pour illustrer que l'impétuosité de la vie, et rebâtir l'expérience de Camille, qui se récite son nuancier personnel de bleus, et celles de William, Lou, Celia. Ce sont quatre existences qui nagent, tentent coûte que coûte de se maintenir à flot, s'agrippent aux derniers rochers pour ne pas sombrer, celui de la langue, pour Camille, son utilisation, sa manipulation, ses jeux de déclinaison, de traduction littérale d'expressions idiomatiques. Il y a définitivement un jeu autour de la langue, de la synonymie aux homophonies, un enchaînement de jeux en même temps que la typographie est chamboulée, à la façon des Calligrammes de Guillaume Apollinaire, qui donnent une consistance visuelle à ses propos. 

Il n'y a qu'une seule façon de lire ce roman, se laisser porter par le flux de la phrase, on finit par y trouver son unité, cet océan qui unit quatre histoires de fuite, de disparition, d'isolement, l'Atlantique qui sépare et qui unit à la fois, qui noie et engloutit, mais qui porte la vie, celle de ces lompes, qui s'accrochent à tout, avec leur ventouse, à l'image de nos quatre humains désorientés. Pour profiter entièrement des talents d'artiste de Romane Bladou, en complément de ce roman, il faut visiter son site internet où ses photographies sont exposées, dont une série photographique associée de dix-neuf clichés aux quatre territoires évoqués. 


Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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