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Critique de fanfanouche24


Je me sens "toute, toute petite" pour écrire quoi que ce soit sur ce texte incroyable, après avoir lu, très émotionnée et admirative la chronique de PetiteBijou !!!

Je vais tenter toutefois... car je ressens le besoin et l'élan d'offrir ma reconnaissance et ma gratitude à Gaëlle Josse. Grâce à son texte « le dernier gardien d'Ellis Island », qui m'a littéralement « tourneboulée »… j'ai éprouvé l'intense besoin d'aller plus loin , dans ce « non-lieu », et passage qui a transformé, amélioré , abîmé, transformé des millions de familles, qui ont abandonné leurs racines, pour TOUT reconstruire ailleurs, dans un autre pays.


A ma grande honte, Gaëlle Josse m'a mené au texte de Georges Perec (dont je ne connaissais pas même l'existence). je viens de l'achever; c'est un autre coup de poing. Lorsque nous nous plaignons de nos quotidiens, soucis, préoccupations diverses, de grâce !... songeons à toutes ces personnes, à nos « frères » de tous les pays , ayant tout perdu , tout laissé dans l'espoir d'une autre vie meilleure, pour eux et leurs enfants, sur une terre étrangère.

Le texte de Georges Perec, est d'autant plus percutant et dérangeant, qu'il écrit les dénuements extrêmes du déracinement, sans affect… de façon distante, et étrangement, pour ma part, cela prend une dimension universelle, d'autant plus cinglante et dérangeante…

Je me permets d'établir un bref rappel des circonstances de ce texte. En 1978, L'Institut National de l'Audiovisuel confia à Georges Perec et à Robert Bober, sur une idée de celui-ci, le soin de réaliser un film sur Ellis Island. Ceux-ci allèrent sur place, à New-York, une première fois procéder aux repérages, puis y retournèrent en 1979 effectuer le tournage de ce qui devait devenir « Récits d'Ellis Island, Histoires d'errance et d'espoir », film en deux parties : « L'ile des larmes » et « Mémoires », dont la première diffusion eut lieu sur TF les 25 et 26 novembre 1980.
La présente édition présente exclusivement le texte brut de Georges Perec, sans les interviews.

Georges Perec, parle d'Ellis Island, de tous les arrachements à sa terre ; mais aussi de ses propres racines, juives...
« Etre juif, pour lui (Robert Bober), c'est avoir reçu, pour le transmettre à son tour, tout un ensemble de coutumes, de manières de manger, de danser, de chanter, des mots, des goûts, des habitudes,
Et c'est surtout avoir le sentiment de partager ces geste et ces rites avec d'autres , au-delà des frontières et des nationalités, partager ces choses devenues racines, tout en sachant qu'elles sont en même temps fragiles et essentielles, menacées par le temps et par les hommes (…) (p.60)

Georges Perec, parle aussi des descendants de ces migrants, qui viennent à Ellis Island, chercher les éléments manquants de leur histoire , rassembler le « puzzle » des chemins courageux de leurs aïeux.

Ce texte est court mais d'une densité sans comparaison !

Il est un peu déplacé ou inutile de commenter, je préfère redonner la parole à l'auteur lui-même !

« Quelles sommes d'espoirs, d'attentes, de risques,
D'enthousiasmes, d'énergies étaient ici rassemblées
Ne pas dire seulement : seize millions d'émigrants
Sont passés en trente ans par Ellis Island

Mais tenter de se représenter
Ce que furent ces seize millions d'histoires individuelles,
Ces seize millions d'histoires identiques et différentes
De ces hommes, de ces femmes et de ces enfants chassés
De leur terre natale par la famine ou la misère,
L'oppression politique, raciale ou religieuse,
Et quittant tout, leur village, leur famille, leurs
Amis, mettant des mois et des années à rassembler
L'argent nécessaire au voyage (…)

Il ne s'agit pas de s'apitoyer mais de comprendre
quatre émigrants sur cinq n'ont passé sur Ellis
Island que quelques heures
Ce n'était, tout compte fait, qu'une formalité anodine,
Le temps de transformer l'émigrant en immigrant,
Celui qui était parti en celui qui était arrivé

Mais chacun de ceux qui défilaient
Devant les docteurs et les officiers d'état civil,
Ce qui était en jeu était vital :

Ils avaient renoncé à leur passé et à leur histoire,
Ils avaient tout abandonné pour tenter de venir vivre
Ici une vie qu'on ne leur avait pas donné le droit de
vivre dans leur pays natal
Et ils étaient désormais en face de l'inexorable » (p.52-53)

On ne ressort pas indemne d'un texte comme celui-ci, comme celui, fictionnel de Gaëlle Josse . Un hommage au courage extrême, à la détermination de
ces millions de migrants. de quoi effacer à jamais de son vocabulaire, le
terme d' »étranger » !!!

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