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Critique de Charybde2


La prose poétique magique d'un catholique fervent mais discret...

Je dois confesser, avec honte, que je me refusais depuis des années à aborder la prose poétique de Christian Bobin du fait de préjugés à peine avouables (« Quoi, un poète catholique fervent ! Vous n'y pensez pas ? »). Comme on grandit à tout âge, je me suis lancé dans « L'enchantement simple », l'un de ses premiers recueils, composé en 1989 : sans ambigüité, son écriture est magique.

« Il y a les livres, vous savez bien. Lecture stupéfiée, hagarde. On avale les potions de l'encre, chaque jour un peu, pour faire tomber la fièvre, on l'aggrave en fait. le désir d'une trêve, d'un sommeil semblable à celui des bêtes, aucune lecture ne l'exauce jamais. On peut lire tous les livres, ou bien aucun. C'est égal. Lire : prier au désert. Laver son visage de l'ombre qui le mange. Les doigts jaunis du lecteur, son âme en poudre, toutes pages tournées. »

« Je regarde un arbre d'un vert multiple, soumis aux ondées de l'air et de l'espace. Ancien déjà, il va mendier la lumière tout en haut, gêné par d'autres feuillages trop proches, il va, quand même. Il décourage toute intelligence du monde. Il faudrait apprendre une telle langue, la sienne, on ne sait pas. »

« La peur, le froid, personne ne sait. le désarroi sans cause. La machine des sentiments, elle est rudimentaire, elle est bruyante. La fabrique du désespoir. Les mêmes émotions reviennent depuis l'enfance. Il n'y en a guère plus de cinq, moins peut-être. La courroie des mots, elle saute. À vide. Les dégâts sont à chaque fois considérables : ces lettres, empêchées. le bruit du papier déchiré est doux à entendre. »

Attentif aux choses simples, mais convoquant avec aisance, lorsque nécessaire, Saint-John Perse, Glenn Gould, Antonin Artaud ou un conte africain, Christian Bobin réussit tout au long de ces pages le pari insensé d'un lyrisme intelligent et raisonnable... Une révélation, donc, sans mysticisme.

Avec en prime une intéressante préface de Lydie Dattas, qui curieusement pourtant implique Dieu dans cette écriture beaucoup plus que ne le fait Christian Bobin lui-même, fin et discret.
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