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Critique de Setoanamlas


« J'étais le chien de Mao. Je mordais quand il me disait de mordre. Avant de battre le chien, adressez-vous à son maître ». Voilà les mots de Jiang Quing lors de son procès en 1980. Et quand on veut piquer son chien, on dit qu'il a la rage.
La rage, elle l'avait. Mais cette phrase, loin d'être anodine, éclaire sur la vie de celle qui fut façonnée par Mao, lui qui reste un modèle en Chine, dont le portrait reste suspendu place Tian'anmen.
Mao n'a pas eu à souffrir d'être confronté à ses actes, tout comme bien des princes rouges. Ici c'est la femme qui est punie. Mao la comparait souvent à une Cixi ratée, Jiang Quing, elle, se voit en furie à la Lü Zhi ou Wu Zetian. Singeant la barbarie de ces dernières, elle se débarrassera des enfants de Mao, fera exécuter les maîtresses de celui-ci - quand elle ne les utilisait pas, et se débarrassera des potentiels nuisibles.

Le chien n'était dressé que pour mordre, attaquer, aboyer. Pas seulement par Mao mais par ses amants, les hommes du parti, ou Kang Sheng.

Contrairement aux impératrices qui ont pu régner, Madame Mao restera dans l'ombre, excepté lorsqu'il s'agissait de mener la révolution culturelle, dont les répercussions épouvantables conduiront à des millions de morts. Encore une fois, c'est elle qui en paiera le prix, jamais son mari, pourtant le commanditaire.

Elle sera maltraitée par Mao, envoyée en rééducation dans des camps, méprisée par les cadres du parti, moquée, insultée, avilie. Sa haine n'en sera que plus forte, s'abattra sur tous ceux qui s'opposent à la moindre de ses volontés. Elle reste figée dans sa haine, espérant toujours succéder à Mao, devenir une impératrice.
Ce jour n'arrivera jamais. Elle finira condamnée par le parti, envoyée en prison, gangrenée par le cancer puis suicidée.

Lucien Bodard décrit une impératrice ratée, une barbare à moitié dégénérée, bref un monstre sanguinaire. Mais ce monstre a été construit par la barbarie de Mao, des hommes, de ceux qui détiennent le pouvoir. Ancienne pute de Shanghai, puis putain de Mao, avant de devenir sa femme, Jiang Qing restera à jamais soumise à la puissance virile, qu'elle tentera de copier, avant de finir punie, à la fois pour ses crimes à elle, mais aussi pour ceux de son époux, qui reste encore aujourd'hui un dieu vivant en Chine.

Le roman a du souffle, de la folie, nous entraîne dans une chine dégénérée. Une écriture dense, riche, flamboyante.

Le seul reproche serait que Bodard semble se complaire dans une description d'une femme avide de pouvoir qui rate sa cible, systématiquement. Son époux la bafoue, les hommes la rendent à moitié folle mais, jamais, n'est évoqué le fait que cette femme est devenue un bourreau du fait de son entourage masculin. Mao s'en tire plutôt bien, une fois encore.
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