Citations sur Le chien de Mao (17)
Et puis le temps ne s’use plus. Il n’a pas de relief. Il est durée insipide, stagnation infinie, marécage sur lequel Jiang Qing flotte comme privée de sens. Sait-on encore si elle existe, si elle vit ? Elle-même, malgré les battements de son cœur, l’ignore. Elle gît hébétée dans la grande flasquerie, dans l’oubli de ce qu’elle est
Elle est un joyau couvert de joyaux, sa garde-robe est fabuleuse, elle court les grands couturiers de l’univers et ses petits pieds ont besoin de centaines de chaussures. Son mari est béat, il ne gouverne que pour satisfaire ses désirs et ses caprices. Elle a une cour, des favoris, elle fait tomber des têtes. Elle est la garce au pouvoir, fardée, rieuse, amusante, terrifiante. La « Rose Carnivore ».
La vie, c’est un remue-ménage en bocal ; la mort, c’est le « ouf ! » de soulagement des soignants et des soignantes débarrassés d’une agonie encombrante.
Quand on a de grands desseins, le temps n’a pas d’importance. Inexistante est la coulée des secondes, de milliards de secondes, si l’on garde gravée en soi la conscience de sa destinée.
Comme ils s’emboîtent, comme ils s’ajustent, en vieux partenaires, en vieux complices pour qui l’amour est une merveilleuse habitude ! Comme leurs corps se reconnaissent ! Plaisir du familier, du consacré… Une douceur entre eux…
Le péril ajoute une saveur épicée à la jouissance.
Elle est prise d’une soif de vie. Ah ! alpaguer des hommes qui ne soient pas trop déjetés, des hommes dans son genre, dans sa clientèle, faire l’amour enfin. Alors elle retrouvera ses façons, ses coquetteries, ses clins d’œil, ses langueurs de voix, ses manières de dire « distrayons-nous, oublions le reste !
Les bons services, les plus mignons, sont de fameux placements, apportant crédit et reconnaissance.
Séduire n’était pas assez, le meilleur venait ensuite : c’était de faire ramper, d’abattre, que l’amant vous lèche de la langue et du cœur, qu’on le trompe et qu’il le sache, qu’il le voie, qu’on l’amène au bord du suicide, pas plus pas moins.
Son bonheur, c’était de grignoter plaisamment tout ce qui a bon goût, l’exquis, le délectable, puis de rendre encore plus fortes ces délices, en les gâtant, en y mettant de la méchanceté.