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Critique de kielosa


Une des grandes qualités de cette oeuvre réside dans l'approfondissement psychologique des personnages. On se croirait soi-même étudiant à Nancy, dégustant une quetsche sur une terrasse de la splendide Place Stanislas, avec assis à côté et en face, Jean-Jacques, Ruth, Blaise, Agatha, Stéphane et les autres. Tellement que les héros de la première oeuvre de Marceline Bodier "La fille au mitote" sont merveilleusement bien caractérisés par leur créatrice.

Lorsqu'on ne connaît pas ou peu Led Zeppelin on croit au début avoir un sérieux handicap pour apprécier à sa juste valeur, comme il le mérite, l'ouvrage de notre amie, Marceline Bodier. Ce qui est malencontreusement mon cas. J'ai presque honte à l'admettre, mais je croyais bêtement que Led Zeppelin était le nom d'un chanteur de hard rock américain et non un groupe de rockers anglais. Non pas que j'en suis resté, en musique, à Maurice Chevalier et Édith Piaf, mais presque ! Ce qui est donc regrettable en l'occurrence puisque leur immense succès "Stairway to Heaven" forme en quelque sorte le leitmotiv du roman. Bref, plutôt un cas de "mea culpa" qu'une critique à l'adresse de l'auteure. Et miracle : on n'est nullement gêné par ce trou dans sa culture pour suivre et saisir les finesses de son conte psychologique raffiné.

Il est évident que Marceline Bodier est une Lorraine qui adore sa région natale. Elle parle de "cette lumière lorraine si particulière dans laquelle le soleil prend des tons dorés exacerbés par le vert très vif de l'herbe et des mirabelliers, multipliés par l'omniprésence des boutons d'or et des fruits d'un jaune brillant dans les arbres. Verte et dorée ; lumière de l'Est. Terre de l'Est..." Et je peux comprendre cette envolée lyrique, cet enthousiasme, car les particularités de la Lorraine-Lothringen ne me laissent moi, pourtant originaire d'un autre coin d'Europe, non plus indifférents. Loin s'en faut, plutôt le contraire. Car cela peut paraître bizarre qu'un Flamand évoque avec une certaine nostalgie la Meurthe-et-Moselle, mais mettons que je garde de très bons souvenirs personnels de cet endroit, qui, plus est, situé à l'époque où se situe l'action du livre, fin des années 1970 et la première partie de la décennie suivante. En d'autres termes notre Marceline me réserve un retour en arrière pas désagréable du tout.

Bien que l'histoire, elle, comporte des moments pas exactement agréables. Après tout il s'agit d'un drame, car il y a mort d'homme. Si Jean-Jacques, avec sa soeur Agatha, et Blaise ont passé leur enfance dans le village (fictif) de Lincey. Stéphane, par contre vient de la grande ville de Nancy, où ses parents ont émigré quand il était môme. Dans le petit cercle d'amis, il apporte la culture, les idées modernes, stimule études et ambitions et fait découvrir Led Zeppelin et le hard rock. Mais il devient simultanément l'élément perturbateur et c'est lui qu'on trouve un beau jour sauvagement assassiné. Quoique que cet ouvrage ne soit pas à proprement parler un thriller, je ne puis naturellement en dire davantage sans marcher sur les plates-bandes de la narratrice et léser ses futurs lecteurs.

Comme l'ont souligné d'autres chroniques, le dénouement de la fille au mitote prend par surprise. Pourtant, une fois le livre reposé, on se rend compte que le véritable retournement de situation a eu lieu au milieu du roman, quand ce qu'on croyait être une enquête sur un meurtre se révèle être aussi la quête d'identité d'une jeune fille, quête du sens de son histoire et du sens de sa présence sur terre. Elle pressent, sans avoir aucune possibilité de le voir, qu'il procède d'événements qui impliquent d'autres qu'elle-même, et le lecteur, lui, pressent que la première partie du livre n'y est pas étrangère ; mais de quoi s'agit-il... Quand le dernier chapitre nous le révèle, nous pouvons alors comprendre le choix du mot "mitote" pour donner son titre au livre. Car c'est un étrange choix que celui de ce terme, que la quatrième de couverture rapproche de l'inconscient, mais qui ne lui est pas exactement superposable. Si l'auteure a préféré ce mystérieux mot-valise, c'est sans doute pour être au plus près de ce qui est au coeur du roman, une idée proche de la psychogénéalogie, que le livre résume de cette formule : "Elle savait, parce qu'elle avait toujours aimé cette image, que nous sommes du tissu dont les songes sont faits. Mais de quels songes s'agit-il… des songes des autres plus que des siens !"

Nous pouvons nous estimer heureux d'avoir Marceline Bodier, après Laure Barachin, Corine Dufosset, Ingrid S.Kim, Laetitia Montou et Charlotte Sapin, etc... à bord de Babelio. J'espère que notre site de lecteurs soit bénéfique à toutes ces artistes, dont on n'imagine probablement pas assez les difficultés au début, car publier un (premier) ouvrage n'est, hélas, pas uniquement une question de talent : il y a les contraintes du marché et les exigences des éditeurs auxquelles il faut faire face, sinon cela devient une entreprise onéreuse et risquée. C'est aussi une question de courage et tout courage mérite admiration et support. Et que Marceline Bodier dispose royalement de ce talent, ne fait pour moi pas l'ombre d'un doute.
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