Vue des airs, la mer est toujours aussi vaste.
Les cumulus sont des îles en archipel
où l’esprit s’abandonne au sommeil
entre deux turbulences. Nous partons
sans partir parce qu’ailleurs est comme ici
finalement et qu’ici est comme ailleurs.
Nous voyageons sans bouger
autour de la terre puisque tout bouge
et demeure immobile à la fois dans l’espace immuable.
Un goéland monte et descend
dans la mer des tranquillités.
Le feuilleté du sens, son chuchotis doux à l’oreille,
émerge des pages du livre ouvert
entre le monde et la fiction du monde.
Silence dans la classe. La pensée, seulement, se fait entendre
avec le vent d’hiver qui siffle
à la recherche de lui-même et s’essouffle
sur la vitre séparant la vie
de la théorie. Soupirs sous la neige.
Crissement du plomb sur la page blanche.
L’espace ondule sous la brise
tandis qu’une étoile morte scintille
pour me rappeler mon état d’apparence :
ce monde est l’image d’un monde
réfléchie par l’image d’autres mondes.
La nuit est un jeu de miroirs brisés à l’horizon.
L’horizon est un reflet de mon imagination,
l’imagination, un reflet de mes illusions.
Entre deux poèmes, les mots en apesanteur
durant quelques minutes sous la neige,
la réalité se dispense de métaphores.
L’univers s’affranchit du poids de la conscience
dans un grand flottement sans but.
Lente décantation du soir. La maison entière respire
avec le frigo qui ronfle au fond de la cuisine.
Chaque objet rangé à sa place
dort dans son sommeil d’objet.
La lune révèle le nimbe des gestes
sur l’anse d’une tasse à café.
Le feuilleté du sens, son chuchotis doux à l’oreille,
émerge des pages du livre ouvert
comme le monde et la fiction du monde.
Elle vibre avec ses notes qui cherchent une chair
dans l’espace et fait frissonner la peau.
Elle est l’idée d’elle-même et sa propre imminence,
son horizon qui recule dans le langage et pourtant nous attire.
Nous vivons dans l’espace-temps de cette conscience.
Nous nous laissons porter par la vague.