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Critique de Kirzy


Kirzy
12 septembre 2022
°°° Rentrée littéraire 2022 # 16 °°°

Miguel Bonnefoy quitte ses habituels horizons latino-américains pour s'essayer à l'exofiction et sortir de l'ombre Augustin Mouchot ( 1825-1912 ) pionnier de l'énergie solaire, totalement effacé de notre mémoire scientifique alors qu'il avait inventé un machine miraculeuse, sorte de réflecteur parabolique flanqué d'une chaudière en verre cylindrique alimentant une machine à vapeur.

On en sait très peu sur sa vie, il n'y a même qu'une seule photographie de lui qui a été répertoriée. Il a connu une gloire éphémère, rencontrant l'empereur Napoléon III qui s'est montré intéressée par ses travaux qui auraient pu fournir à l'armée française des fours solaires légers et mobiles, puis exposant son invention lors de l'exposition universelle de 1878 où il a fortement impressionné les foules en fabriquant de la glace avec de l'énergie solaire. Après c'est la chute, l'avénement de l'ère du charbon ( plus rentable ) et du capitalisme ruinant ses projets.

S'appuyant sur quelques jalons, l'auteur tente de remplir les vides par la fiction sans que son récit ressemble à une biographie classique, plutôt un conte rendant hommage au génie humain et scientifique sans pour autant tomber dans l'écueil de l'exposé technique trop pointu.

Michel Bonnefoy est un conteur, un vrai. La vivacité de sa narration embarque, alterne les ambiances. le récit finit comme du Zola lorsque Augustin Mouchot sombre dans une misère épouvantable à la fin de sa vie alors qu'il avait commencé dans une évocation d'une enfance malheureuse presque drolatique, l'enfant Mouchot attrapant toutes les maladies possibles et passant ces premières années quasi totalement alités, laissant un mot sur son lit, au cas où  : « Bien que j'en aie l'air, je ne suis pas mort. »

La plume virevoltante de l'auteur fait merveille, pleine de couleurs, de textures et de verve malicieuse, excellant dans les descriptions de personnages secondaires truculents comme l'empereur Napoléon III :

« A la place d'un empereur majestueux, portant la moustache la plus célèbre d'Europe, il vit paraître un vieillard mafflu, fatigué par le pouvoir, miné par les malheurs, une canne à la main, accompagné d'un chien saturnien offert par l'un de ses chambellans. Les jambes molles, comme anéanti, le front bas, il contemplait de ses yeux pâles quarante ans de gloires et de désastres. Il ne ressemblait en rien à un Bonaparte, mais plutôt à un vieux loup essoufflé, à la santé écorchée, qui avait douloureusement survécu aux crises de rhumatismes et aux coliques néphrétiques, et qui ne revenait pas de l'ermitage de Villeneuve-l'Etang, mais d'une cure à Vichy où les eaux minéralisées et alcalines lui avaient enflé un calcul dans la vessie gros comme un brugnon. »

Concernant Mouchot, c'est le paradoxe du personnage qui intéresse Miguel Bonnefoy. On s'étonne qu'une créature aussi malingre, timide, dépourvue d'éloquence et de charisme, s'épuise obsessionnellement à vouloir conquérir le plus grand et puissant des astres, lui l'homme de l'ombre tourné vers le soleil. le pulpeux de l'écriture répond au métallique et rigide de la personnalité d'Augustin Mouchot.

Mais voilà, toutes ses qualités n'ont pas suffi à enchanter ma lecture. Les deux derniers romans de Miguel Bonnefoy ( Sucre noir, Héritage ) m'avaient enthousiasmée. Cela n'a pas été le cas avec L'Inventeur. Même si la lecture a été agréable, rien ne m'a marqué. J'ai même trouvé la partie fin de vie bien longue, alors que le roman ne fait que 200 pages bien serrées. En fait il m'a manqué quelque chose de l'ordre de l'empreinte émotionnelle, la triste vie d'Augustin Mouchot ne m'a jamais touchée. de plus, la force des précédents textes de l'auteur était son recours à un réalisme magique très joyeux … abandonné ici. Finalement, j'ai trouvé son habituel sens de la fantaisie trop bridée et lissée, trop contrôlée pour me faire chavirer et m'embarquer. Déçue donc, j'avais trop d'attentes.

Lu dans le cadre du Prix du roman FNAC 2022
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