AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782743660772
192 pages
Payot et Rivages (23/08/2023)
3.52/5   394 notes
Résumé :
France, milieu du XIXe siècle. Voici l'étonnante histoire d'Augustin Mouchot, fils de serrurier de Semur-en-Auxois, obscur professeur de mathématiques, devenu inventeur de l'énergie solaire grâce à la découverte d'un vieux livre dans sa bibliothèque. La machine qu'il construit et surnomme Octave séduit Napoléon III et recueille l'assentiment des autorités et de la presse. Elle est exhibée avec succès à l'Exposition universelle de Paris en 1878. Mais l'avènement de l... >Voir plus
Que lire après L'InventeurVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (118) Voir plus Ajouter une critique
3,52

sur 394 notes
°°° Rentrée littéraire 2022 # 16 °°°

Miguel Bonnefoy quitte ses habituels horizons latino-américains pour s'essayer à l'exofiction et sortir de l'ombre Augustin Mouchot ( 1825-1912 ) pionnier de l'énergie solaire, totalement effacé de notre mémoire scientifique alors qu'il avait inventé un machine miraculeuse, sorte de réflecteur parabolique flanqué d'une chaudière en verre cylindrique alimentant une machine à vapeur.

On en sait très peu sur sa vie, il n'y a même qu'une seule photographie de lui qui a été répertoriée. Il a connu une gloire éphémère, rencontrant l'empereur Napoléon III qui s'est montré intéressée par ses travaux qui auraient pu fournir à l'armée française des fours solaires légers et mobiles, puis exposant son invention lors de l'exposition universelle de 1878 où il a fortement impressionné les foules en fabriquant de la glace avec de l'énergie solaire. Après c'est la chute, l'avénement de l'ère du charbon ( plus rentable ) et du capitalisme ruinant ses projets.

S'appuyant sur quelques jalons, l'auteur tente de remplir les vides par la fiction sans que son récit ressemble à une biographie classique, plutôt un conte rendant hommage au génie humain et scientifique sans pour autant tomber dans l'écueil de l'exposé technique trop pointu.

Michel Bonnefoy est un conteur, un vrai. La vivacité de sa narration embarque, alterne les ambiances. le récit finit comme du Zola lorsque Augustin Mouchot sombre dans une misère épouvantable à la fin de sa vie alors qu'il avait commencé dans une évocation d'une enfance malheureuse presque drolatique, l'enfant Mouchot attrapant toutes les maladies possibles et passant ces premières années quasi totalement alités, laissant un mot sur son lit, au cas où  : « Bien que j'en aie l'air, je ne suis pas mort. »

La plume virevoltante de l'auteur fait merveille, pleine de couleurs, de textures et de verve malicieuse, excellant dans les descriptions de personnages secondaires truculents comme l'empereur Napoléon III :

« A la place d'un empereur majestueux, portant la moustache la plus célèbre d'Europe, il vit paraître un vieillard mafflu, fatigué par le pouvoir, miné par les malheurs, une canne à la main, accompagné d'un chien saturnien offert par l'un de ses chambellans. Les jambes molles, comme anéanti, le front bas, il contemplait de ses yeux pâles quarante ans de gloires et de désastres. Il ne ressemblait en rien à un Bonaparte, mais plutôt à un vieux loup essoufflé, à la santé écorchée, qui avait douloureusement survécu aux crises de rhumatismes et aux coliques néphrétiques, et qui ne revenait pas de l'ermitage de Villeneuve-l'Etang, mais d'une cure à Vichy où les eaux minéralisées et alcalines lui avaient enflé un calcul dans la vessie gros comme un brugnon. »

Concernant Mouchot, c'est le paradoxe du personnage qui intéresse Miguel Bonnefoy. On s'étonne qu'une créature aussi malingre, timide, dépourvue d'éloquence et de charisme, s'épuise obsessionnellement à vouloir conquérir le plus grand et puissant des astres, lui l'homme de l'ombre tourné vers le soleil. le pulpeux de l'écriture répond au métallique et rigide de la personnalité d'Augustin Mouchot.

Mais voilà, toutes ses qualités n'ont pas suffi à enchanter ma lecture. Les deux derniers romans de Miguel Bonnefoy ( Sucre noir, Héritage ) m'avaient enthousiasmée. Cela n'a pas été le cas avec L'Inventeur. Même si la lecture a été agréable, rien ne m'a marqué. J'ai même trouvé la partie fin de vie bien longue, alors que le roman ne fait que 200 pages bien serrées. En fait il m'a manqué quelque chose de l'ordre de l'empreinte émotionnelle, la triste vie d'Augustin Mouchot ne m'a jamais touchée. de plus, la force des précédents textes de l'auteur était son recours à un réalisme magique très joyeux … abandonné ici. Finalement, j'ai trouvé son habituel sens de la fantaisie trop bridée et lissée, trop contrôlée pour me faire chavirer et m'embarquer. Déçue donc, j'avais trop d'attentes.

Lu dans le cadre du Prix du roman FNAC 2022
Commenter  J’apprécie          1164
Quel bel hommage aux livres que cette biographie romancée d'Augustin Mouchot (1825-1912), pionnier de l'énergie solaire !

La fragile constitution d'Augustin et sa curiosité incitent ses parents, modestes artisans bourguignons, à le mettre à l'école où il est reçu bachelier ès lettres en 1845, devient maitre d'études à Arnay-le-Duc, Autun, Dijon, puis professeur suppléant de mathématiques au lycée d'Alençon en 1860. Il loue un appartement rendu vacant par le décès accidentel du Colonel Buisson et y trouve une bibliothèque dotée d'une centaine de livres scientifiques.

Ces livres lui révèlent les travaux de Claude Pouillet, Jean-Dominique Cassini , Cornelis Drebbel, Buffon, Archimède et surtout ceux d'Horace Bénédicte de Saussure sur l'énergie solaire. Augustin se lance sur leurs traces et, de façon empirique, conçoit diverses machines, dépose le brevet de l'héliopompe en 1861, expose à l'Exposition universelle de Paris en 1878 un générateur relié à une machine produisant de la glace.

Il devient célèbre du jour au lendemain « Tout à coup, il n'était plus question du « professeur Mouchot » mais du « savant Mouchot », et la revue de vulgarisation scientifique, La Science pour tous, dans les derniers jours de septembre, déclara, après sa démonstration à la Villa Eugénie, que « si Franklin avait su arracher la foudre au ciel, Augustin Mouchot avait fait mieux, il lui avait arraché la force et l'avait mise gratuitement à notre service ». L'article finissait sur une innocente phrase, assez élégante, soulignant que cette fabuleuse invention manquait toutefois « d'un livre pour la soutenir ». » écrit Miguel Bonnefoy.

Il fallait un livre pour soutenir cette invention, les relations pour la financer, les réseaux pour l'industrialiser, la commercialiser, la rentabiliser … autant de sujets qui motivent peu Augustin Mouchot, mal à l'aise en société. Il rencontre un ingénieur fortuné, Able Pifre, s'associe à lui, et se fait progressivement plumer … en 1882, l'insolateur d'Abel Pifre imprime un journal par chaleur solaire et Augustin Mouchot, finit son existence ruiné au fin fond du XV arrondissement.

Notre moderne Icare s'est brulé les ailes mais sans les livres collectionnés par le Colonel Buisson, jamais Augustin Mouchot n'aurait eu l'idée de lever les yeux vers le soleil et d'y puiser une énergie prometteuse. « Il était un homme d'ombre tourné vers le soleil au milieu d'un siècle lumineux tourné vers le charbon. »

L'inventeur est un récit picaresque, écrit avec emphase, ironie et humour pour peindre une époque et rendre hommage à Augustin Mouchot qui trouva dans ses livres les rayons solaires.
Commenter  J’apprécie          902
Un illustre inconnu.
Augustin Mouchot n'a pas inventé la poudre. le modeste professeur de mathématiques de province a fait mieux, mais l'histoire l'a oublié.
Outre le fait de détenir le record mondial de pathologies qui pourrait en faire un lointain cousin du Docteur Maboul, l'inventeur a développé une machine à vapeur baptisée Octave (clin d'oeil au premier roman de Miguel Bonnefoy qui s'intitulait le voyage d'Octavio) pour capter l'énergie solaire.
Oublié par la postérité mais reconnu par Napoléon III en son temps et cité à l'exposition universelle en 1878, il parviendra à réaliser un bloc de glace grâce à l'énergie solaire. Il avait réalisé le miracle de faire du froid avec du chaud. D'ailleurs, ce Tournesol de l'UV était lui-même un personnage austère aussi avenant qu'un glaçon et il consacra sa vie à essayer de capter les rayons du soleil. Les opposés s'attirent.
Dans certaines civilisations ou à d'autres époques, Augustin Mouchot serait devenu un dieu adulé ou un sorcier à plumes redouté pour sa découverte révolutionnaire, un Elon Musk de la pierrade avec des marques de crème solaire à son nom effigie qui enverrait des touristes milliardaires bronzer plus vite à proximité du soleil.
Hélas, la lumière du génie était tamisée par un manque de charisme et un sens inversé des affaires. L'ère du charbon coupa définitivement les ailes de cet Icare de laboratoire et comme l'époque n'était pas aux considérations écologiques, le pauvre inventeur retomba dans l'oubli avec tout son attirail pourtant plein de promesses. Il tenta de s'expatrier en Algérie pour optimiser son invention dans le désert avant de finir sa vie dans l'anonymat auprès d'une vieille femme débonnaire.
Les biopics de scientifiques célèbres ou oubliés et plus ou moins illuminés ne manquent pas depuis quelques années. Je n'ai pas été transporté par celle-ci. Au contact de ce personnage un peu falot, la plume de Miguel Bonnefoy a perdu un peu de son exotisme par rapport à "Sucre Noir" ou "Héritage", ses deux derniers romans, un peu comme si Gauguin avait abandonné ses couleurs et les formes généreuses pour des tracés épurés à l'encre de chine.
La figure de l'inventeur réel ou fictif est romanesque si elle fricote avec la folie et l'aventure. C'est pour cela que j'avais adoré "Là où les tigres sont chez eux" de Jean-Marie Blas Robles avec son Athanase Kircher ou bien "Peste et Cholera" de Patrick Deville qui raconte Yersin.
Ici, j'ai trouvé que l'auteur avait réservé sa verve aux personnages secondaires ou historiques et peu au contexte de l'époque. Il m'a donné l'impression d'avoir retenu ses exubérances , dresser son humour, pour respecter son devoir de mémoire, à l'exception toutefois d'un passage savoureux où la démonstration de l'inventeur est gâchée par un caprice de la météo. Les intermittences des énergies renouvelables.
Mouchot était un rat de laboratoire dans l'âme et si sa soif de reconnaissance et ses désillusions donnent un peu de chair au personnage, il n'était pas aisé de le rendre romanesque.
Ce récit a néanmoins le mérite d'être instructif, de faire connaître ce destin oublié et de se lire très facilement. Une façon aussi de rappeler son bon souvenir aux dictionnaires.







Commenter  J’apprécie          822
Antoine Mouchot (1825 – 1912) est le dernier fils d'un serrurier bourguignon. de trop faible constitution pour envisager un métier manuel, il se résigne à enseigner et, devenu professeur de mathématiques à Alençon, découvre par hasard, dans la bibliothèque de la pension qui l'héberge, le livre qui va bouleverser sa vie. Fasciné par le principe de la marmite solaire qu'y décrit un physicien genevois, il se prend à rêver de maîtriser l'énergie du soleil, se lance dans ses propres expériences et invente le premier moteur solaire : une petite machine à vapeur alimentée par une chaudière en verre reliée à un réflecteur parabolique.



Mais, aussi géniale soit-elle et même si elle lui vaut son heure de gloire – l'attention de Napoléon III, la reconnaissance de ses pairs et l'émerveillement du public quand, à l'Exposition Universelle de Paris en 1878, il produit un bloc de glace à partir de la chaleur solaire –, son invention n'intéresse pas les industriels de l'époque. le charbon est alors abondant et peu coûteux, le soleil incertain et l'exploitation de son énergie pas assez rentable. Notre homme aura beau persister dans son obsession, se brûler les rétines en Algérie où il a choisi de développer ses expérimentations, il finira misérable et oublié, volé par son ancien associé, grabataire séquestré dans un taudis par une épouse aux allures de Thénardière.



Le paradoxe est cruel et nourrit le roman de Miguel Bonnefoy : l'invention brillante a laissé dans l'ombre le peu charismatique Antoine Mouchot. L'homme terne et maladif, habité par l'idée fixe de dompter le soleil, s'y est brûlé les ailes et jusqu'à sa postérité. de sa personnalité l'on ne connaît plus rien et, aucun livre ne lui ayant jamais été jusqu'ici consacré, ce sont les indices glanés en fouillant l'océan documentaire de diverses archives qui ont permis à l'écrivain de ressusciter par la fiction la réalité du personnage.



Romanesque à souhait, la narration chamarre sa trame biographique des chaudes couleurs et de la lumière éclatante qui éclaboussent un temps la timide silhouette étonnée de l'inventeur, avant de la rendre, plus grise, plus solitaire et plus délabrée que jamais, à l'ombre froide de l'oubli et de la misère. Et tandis que la verve de l'auteur nimbe chacun de ses tableaux, tantôt d'une once de réalisme magique, tantôt d'un lyrisme flamboyant, multipliant les hommages à la littérature du XIXe siècle au travers de scènes que n'auraient pas désavouées Jules Verne, Victor Hugo ou Emile Zola et jouant de connivence avec le lecteur qui saura repérer les facétieuses connections que quelques savoureux personnages secondaires établissent avec ses romans précédents, c'est une sorte de conte historique merveilleusement fantasque, aux consonances quasi mythologiques - prométhéennes ou icariennes -, que nous livre ce magnifique portrait d'un si peu solaire conquérant du roi des astres.



L'on referme ce livre enchanté et troublé d'y avoir côtoyé, d'une aussi belle manière, un génie resté dans l'ombre pour s'être trouvé trop en avance sur son temps. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          865
Il était terne et taciturne, apathique et taiseux. Souffreteux aussi, bien que résistant à toutes les maladies. En fait, nul n'aurait imaginé derrière cette fragilité déjouant tous les sombres pronostics et ce visage sans grâce, le brillant inventeur qu'allait devenir Augustin Mouchot. Brillant, mais définitivement ignoré de tous jusqu'à ce que le pétulant et sympathique Miguel Bonnefoy le sorte des limbes. D'abord pour nous instruire sur la découverte de cet étonnant personnage, inventeur d'un système pour l'utilisation de l'énergie solaire. Ensuite pour en brosser un portrait aussi pathétique que réjouissant. Eh oui avec Miguel, conteur hors pair, même les anti-héros déprimants et malchanceux finissent non seulement par attiser notre curiosité, mais aussi nous égayer.

Commenter  J’apprécie          732


critiques presse (9)
Culturebox
05 janvier 2023
D'une écriture rabelaisienne, l'écrivain dresse le portrait d'un personnage paradoxal.
Lire la critique sur le site : Culturebox
FocusLeVif
03 janvier 2023
C'est le roman d'une vie: celle d'un inventeur qui a découvert au XIXe siècle les propriétés infinies de cette énergie solaire qui semble enfin poindre et commence à illuminer nos sociétés.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
Culturebox
06 octobre 2022
"Un texte que vous lisez d’un bout à l’autre avec le sourire aux lèvres parce que Miguel Bonnefoy est là pour vous embarquer dans son aventure."
Lire la critique sur le site : Culturebox
RadioFranceInternationale
09 septembre 2022
La véritable histoire d'un grand oublié de l'histoire scientifique : Augustin Mouchot, le premier français à avoir su capter l'énergie solaire et dont le destin est hautement romanesque.
Lire la critique sur le site : RadioFranceInternationale
LaTribuneDeGeneve
05 septembre 2022
Écrivain surdoué, style classieux… Miguel Bonnefoy, 35 ans, époustoufle avec modestie dans «L’inventeur», roman mélancolique sur un génie solaire qui n’arriva pas à briller, Augustin Mouchot.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LeMonde
05 septembre 2022
L’écrivain ravive la flamme du souvenir d’Augustin Mouchot (1825-1912), pionnier de l’énergie solaire.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesEchos
22 août 2022
Le jeune écrivain surdoué consacre son nouveau roman à un ingénieur français du XIXe siècle, Augustin Mouchot, pionnier de l'énergie solaire à une époque où la planète ne jurait que par le charbon. Une biographie fantasque aux allures de conte, ode à la science et au génie humain.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LaLibreBelgique
18 août 2022
De sa plume chamarrée, l'écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy sort de l’ombre un savant oublié.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Culturebox
17 août 2022
D'une écriture rabelaisienne, l'écrivain dresse le portrait de ce personnage fantasque, embarquant le lecteur dans les péripéties d'une existence en forme de montagnes russes.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (99) Voir plus Ajouter une citation
Quand il entra dans le salon, encore étourdi de fièvre, la tête lourde, seule l'énorme bibliothèque scientifique du colonel Marius Buisson, comme un géant debout, comme une dernière sentinelle, occupait la pièce principale. Les étagères étaient couvertes de bibelots en terre cuite ornés d’inscriptions juliennes, de petits instruments astronomiques dont un astrolabe en cuivre qui donnait la hauteur des étoiles et, à l'arrière, en file comme un peloton d'exécution, de vieux livres aux reliures embellies par Simier R. du Roi, parfois amassés à l’horizontale, désordonnés et scintillants en une constellation de papier.

Ce premier jour, Mouchot ne s'approcha pas des livres. Le lendemain, il parcourut rapidement le dos des couvertures, l'air oisif, sans s'y attarder. Au bout d'une semaine, il feuilleta certains volumes et, quelques jours plus tard, il avait formé une pile sur sa table de chevet, dont un seul livre attira véritablement son attention. C'était un ouvrage de Claude Pouillet sur la chaleur solaire.

Cette lecture le plongea dans une série de curiosités autour du soleil. Seul dans son nouveau logement, où flottaient encore le fantôme du colonel Buisson et les oriflammes tachées des guerres étrangères, il apprit que des médecins italiens désinfectaient des plaies avec des rayons solaires concentrés, à l'aide de ballons d'eau en verre, et que l'astronome Cassini, en 1710, avait offert au Roi-Soleil un miroir qui pouvait fondre un morceau de fer en une heure.
Commenter  J’apprécie          350
Marius Buisson avait acquis ce logement après une vie de services auprès de la garde impériale. C’était un vieil officier de l’armée, né dans le siècle des philosophes, grand amateur de sciences, qui avait perdu une main lors de la prise d’Alger, un œil pendant le siège de Sébastopol, une jambe à la fin de la bataille de Malakoff et boitait de l’autre depuis qu’un cheval d’une demi-tonne s’était effondré sur son genou, dans les marécages de Crimée. Le jour de la victoire de Solférino, il avait été décoré de médailles coloniales et s’était acheté un bel appartement aux poutres apparentes, dans lequel il avait fait construire sur mesure une bibliothèque en bois de chêne, uniquement composée de littérature scientifique, où il avait prévu de passer ses dernières années. Mais il ne put en profiter car, un mois plus tard, au milieu de l’été, alors qu’il faisait des travaux de charpente, une poutre se détacha et, percutant la bibliothèque, l’écrasa comme un cafard au milieu de son salon. Il mourut sur le coup, après avoir survécu à tous les combats et à toutes les batailles, borgne et manchot, la tête aplatie sous des livres, la médaille de la d’Italie plantée dans le cœur. 
Commenter  J’apprécie          442
Le 13 août 1845, c'est toutefois ce fils de serrurier flegmatique que le rectorat de Dijon reçut bachelier es lettres. Comme il s'était montré obéissant, on lui accorda un poste de maître d'études. Pendant treize ans, de vingt ans à trente-trois ans, il enseigna dans les écoles de Bourgogne, à Arnay-le-Duc, au collège d'Autun, à Dijon, dans le Morvan, menant une carrière sans lumière dans d'interminables villages qui défilèrent sous ses yeux avec la même banalité. Il batailla avec lui-même, dormit dans des lits étrangers, dut supporter l'odeur de papier jauni et de craie cassée d'établissement en établissement, et son seul paysage fat une caravane de centaines d'élèves, vêtus de gris, aux visages décharnés, qui lui renvoyaient par leur vacuité l'image terne de ses exils.

Alors que Volta avait inventé la pile électrique, alors que Watt avait déposé son brevet sur la locomotive à vapeur, alors que Durand avait réalisé la première boîte de conserve, alors que Foucault avait fabriqué son pendule, alors que Darwin avait prouvé l'origine des espèces, Mouchot découvrait une moustache fine qui poussait lentement sous son nez, en guidon, pareille à une branche de vigne, et qu'il parfumait de muse et de poivre, persuadé que sa vie ne connaîtrait aucun remous.
Commenter  J’apprécie          300
L’Exposition universelle de Paris s’ouvrit le 1er mai 1878. Des fortunes inimaginables furent dépensées pour hisser cette date à une dimension titanesque. Pour l’inauguration, on avait construit l’hôtel Continental et le théâtre Marigny, des fontaines Wallace et des pagodes chinoises, et le nouveau palais du Trocadéro, une rotonde hallucinante à colonnes étendue de deux minarets, majestueuse au sommet de la colline de Chaillot, d’où émanaient continuellement les sons mélodieux d’un orgue de Cavaillé-Coll. Banquiers et rentiers s’aventuraient de l’autre côté de la Seine, franchissant les portes de l’École militaire, attirés par la cohue de la galerie du Travail où des êtres aux costumes bariolés soufflaient des perles de Margarita, des enfants en kimono gravaient des idéogrammes sur des écailles japonaises, des hommes aux barbes tressées sculptaient des pipes en écume de mer, des jeunes filles polissaient des boutons de nacre du Pacifique, et des femmes portant des robes en peau de yack, amenées par la compagnie des Indes, parlant une langue plus ancienne que la formation des montagnes, brodaient des châles de Katmandou en chantant des romances hindoues. 
Commenter  J’apprécie          310
À partir de l’adolescence, elle prit du poids à une vitesse affolante, pour avoir trop abusé de sirops à la gomme et de jus de betterave fermentée. À mesure que sa taille s’épaississait, son cœur se gonfla d’élans mesquins qui n’étaient, de fait, que le résultat de frustrations vaincues. Sa force effritée, son énergie flétrie, elle calmait ses brûlures d’estomac avec des racines de rhubarbe et s’administrait des cures de gentiane et de cinabre jusqu’à deux litres par jour pour étouffer le feu de ses intestins. Son ancien corps de travailleuse et d’ouvrière n’était plus qu’un énorme bourrelet immobile, pareil à un buffle couché sur le flanc, et pendant la nuit, son ventre lâchait des vents ignobles qui laissaient dans l’air une odeur de vieux-boulogne et faisaient croire aux voisins, dans leur sommeil agité, que Paris était à nouveau assiégé.
Commenter  J’apprécie          341

Videos de Miguel Bonnefoy (50) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Miguel Bonnefoy
Dans L'Inventeur, Miguel Bonnefoy compose la biographie romancée d'Augustin Mouchot, génial inventeur d'un système de production d'énergie solaire qu'il présenta à l'Exposition universelle de Paris en 1878. Retraçant le parcours de ce savant à la vie hors normes, érigé au rang de vedette à son époque puis sombrant dans l'oubli le plus total, l'auteur excelle à dépeindre une odyssée scientifique intimement liée au contexte d'un siècle où le progrès est érigé en absolu. Pour approfondir la dimension philosophique et poétique de cette épopée, Miguel Bonnefoy dialoguera avec Emma Carenini, philosophe, qui a consacré un essai remarqué à l'astre solaire, en explorant le rapport des humains à la lumière naturelle dans l'histoire et en analysant la façon dont le soleil est au fondement de nos philosophies et de nos sagesses.
Miguel Bonnefoy est romancier et nouvelliste. Avant L'Inventeur (2022), il a notamment fait paraître Héritage (2020), Sucre noir (2017) et le Voyage d'Octavio (2015, Prix de la Vocation et Prix Fénéon), tous les quatre aux éditions Rivages.
Emma Carenini est professeure agrégée de philosophie et membre du comité éditorial de la revue Germinal. Paru en 2022 aux éditions le Pommier, Soleil. Mythes, histoire et sociétés est son premier livre d'histoire des idées.
Retrouvez notre dossier "Effractions 2023" sur notre webmagazine Balises : https://balises.bpi.fr/dossier/effractions-2023/ Retrouvez toute la programmation du festival sur le site d'Effractions : https://effractions.bpi.fr/
Suivre la bibliothèque : SITE http://www.bpi.fr/bpi BALISES http://balises.bpi.fr FACEBOOK https://www.facebook.com/bpi.pompidou TWITTER https://twitter.com/bpi_pompidou
+ Lire la suite
autres livres classés : Énergie solaireVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (825) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3185 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..