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Critique de Eve-Yeshe


B. est un homme âgé d'une soixantaine d'années. C'est un taiseux, qui aime se promener dans sa chère prairie, car là il est seul tranquille, loin de son épouse acariâtre, de sa fille, Marthe, la marchande de légumes et de son beau-frère qu'il appelle « le débile ».
L'histoire commence par une promenade bucolique qui va se terminer de façon tragique. En arrivant à la maison, « le débile » l'attend en gesticulant pour lui annoncer que sa femme est morte.
En voyant ce corps étendu sans vie, dans une posture étrange car elle est tombée, il revoit toute sa vie conjugale défiler ainsi que ses souvenirs d'enfant.
Il se revoit le jour du mariage, quand il lui tenait le bras, se souvient des gestes tendres, alors que ses yeux se fixent sur des choses sans importance, les aiguilles à tricoter sur le fauteuil, le jupon qui dépasse de la jupe, « le débile », la bouche ouverte, la chienne qui veut une caresse. B. est en train de se couper de ceux qui l'entourent, alors que Marthe s'active autour de sa mère, en prend possession.
Le médecin arrive, les voisins défilent….


Ce que j'en pense :

On assiste à la solitude d'un homme que s'aperçoit tout à coup, que les êtres proches peuvent disparaître, mourir d'une minute à l'autre, alors que la nature demeure immuable, comme sa chère prairie. Il est dans un état de sidération et observe les choses mécaniquement, essayant de se raccrocher au tangible, les aiguilles de l'horloge, l'envie d'uriner, la vaisselle sale dans l'évier…
Il y a une alternance entre l'observation des faits et des personnes tels qu'ils sont dans la pièce et le vagabondage de son esprit. Il est là physiquement, son corps est là, mais sa pensée est très loin, en communion avec la nature qui, elle, ne trahit pas. La prairie, même si elle change au cours des saisons, est toujours là, elle existe pour l'éternité alors que l'existence humaine est forcément limitée dans le temps, dans l'espace dans la liberté.
La fenêtre met une barrière entre l'intérieur et l'extérieur, entre l'interne et l'externe, c'est elle qui met les limites. B. est sans arrêt dans la dualité, comme si le fait d'opposer, la réalité de l'instant et le monde extérieur lui permettait de rester debout.
L'auteur oppose souvent l'animé et l'inanimé, le vivant et le mort. Il regarde sa fille qui s'agite, fait face alors que lui pense à son père décédé, mes mouvements de sa fille rappellent ceux du père autrefois.
Il semble ne rien éprouver car les émotions sont retenues depuis longtemps, il se sent mort lui-même, il ne comprend pas ce qui lui arrive comme si quelque chose venait de se casser. Est-il dans le déni ou est-il parti en même temps qu'elle ?
J'ai apprécié la poésie du texte, car Georges Bonnet est avant tout un poète, mais j'ai ressenti tout au long du livre, une sensation de froid qui me pénétrait. Cet homme est seul, il n'est plus vivant, et même s'il y a des éléments plus légers : la prairie, les insectes, la vie à l'extérieur de cette maison, on se sent dans un caveau, il n'y aucune émotion chez les personnages.
On sent la mort nous envahir, malgré la beauté du texte. Etait-ce le but de l'auteur ? Ou est-ce la démonstration de la solitude extrême de l'être humain ? On a l'impression d'une analyse presque chirurgicale, implacable de la mort.

Ce livre m'a impressionnée pour cela, l'absence d'affects, et surtout on est très loin de la douceur de son dernier roman « entre deux mots la nuit » où il évoquait le déclin de sa femme atteinte de sénilité. le sujet était grave aussi mais, il y avait moins dureté.
Avis mitigé donc : je mets une assez bonne note quand même car l'écriture est très belle dans ce texte empli de mélancolie, au sens que ce terme avait aux siècles précédents.
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