AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Soukiang


Il était une fois le début de la fin ...

Quand une épidémie mortelle se répand dans Paris, c'est toute l'humanité qui retient son souffle !

Serions-nous en train de périr à petit feu ?
Il ne suffirait de pas grand chose pour que le monde ne sombre définitivement dans une nouvelle ère, entre manipulations génétiques et recherche de la vérité, la consommation de masse était l'une des thématiques du film Zombie (1978), la Guerre du Vietnam, par extension toute forme de conflits, à la guerre comme dans une société avec ses règles mutantes, c'était l'une des métaphores proposées dans La nuit des morts-vivants (1968) d'un cinéaste visionnaire, le regretté réalisateur George A. Romero.

Il ne faut jamais se fier aux apparences, si les créatures contaminées reviennent à la vie, ne serait-ce pas pour donner un signal fort, on parle aujourd'hui de lanceur d'alerte, nourrir la main tendue pour mieux la manger plus tard ?
La fascination éprouvée pour les films de zombie ne date pas d'hier, la littérature n'est pas en reste avec un bonheur plus ou moins égal, à chaque époque, il était écrit que le mort-vivant reviendrait à la vie, tôt ou tard ...

La première impression du présent roman, le Début de la Faim, le premier de l'auteur Nil Borny se porte d'abord sur la superbe couverture, un mélange oscillant entre horreur et beauté formelle, le ton est donné, rien ne vous préparera jamais dans cette aventure soignée aux petits oignons, fan absolu du genre ou débutant, cette histoire révèle et recèle des petits trésors d'inventivité, pour sortir des sentiers battus, loin de l'intention de l'auteur à faire défiler plans et séquences de scènes gores ou choquantes page après page, la peur de la contamination suinte par tous les pores de la peau de tout un chacun, l'atmosphère rendue est apocalyptique à souhait, les personnages s'invitent au fil des pages dans une valse macabre et existentielle, tout un programme qui n'est pas sans rappeler toutes les thématiques que l'on serait en droit d'attendre dans une telle dévastation meurtrière.

Si le récit pourrait presque se métamorphoser en un journal intime d'un groupe de survivants, dans un monde en perdition complète, loin de suivre les clichés habituels et souhaitant avant tout apporter du sang neuf, le début de la faim démontre qu'il est encore possible d'innover sans tomber dans la surenchère de la violence tout azimut, ce phénomène de la brutale montée de l'adrénaline dans des situations extrêmes existe depuis la nuit des temps, défendre ses valeurs et ses convictions face à la menace, connue ou pas, cette obligeance malgré soi de sortir de sa zone de confort pour se mettre au diapason, contribuer à l'effort collectif, cela s'appelle la solidarité et la compassion.

Et si les plus belles histoires d'amour pouvaient s'écrire dans la fureur des éléments déchaînés, imprévisible est l'apanage des aléas de rencontres fortuites, le hasard fait parfois bien les choses, pas de super héros ici, l'empathie progressive des personnages se découvrent à travers leur angoisse, leur doute face à la contagion d'un mystérieux virus transformant quiconque est mordu en un monstre, difforme ou évolué, la chaîne alimentaire et d'évènements dits improbables est décrite de manière spectaculaire mais toujours dans un souci de cohérence et de réalisme.

Rien de plus jouissif à lire une histoire effrayante et jouissive, si ce n'est un degré supplémentaire d'humanité rendu possible par les intentions de l'auteur à faire évoluer l'histoire dans plusieurs voies, des chapitres courts qui ne manquent pas d'apporter rebondissements ou actions frénétiques afin de maintenir un climat de tension permanente, il est un exercice délicat que de trouver un équilibre entre vouloir et pouvoir, la crainte de tomber dans le ridicule et la lassitude de tourner en rond, si le récit déroule par le jeu de miroir qui sépare vivant et mort-vivant, l'ambiance claustrophobe participe à frissonner et à appréhender le devenir de certains protagonistes, se reconnaître dans les qualités et défauts renvoyant à sa propre sensibilité, c'est l'espoir maintenu dans ce qui semble basculer l'avenir de l'humanité vers une issue des plus aléatoires.

Au-delà de certains questionnements survolés mais néanmoins pertinents pour appréhender ce déclin d'une frange de la population, si le métro de Paris est le point de départ, il est très aisé d'imaginer l'ampleur exponentiel de la contagion à l'échelle du pays voire plus, dans la gestation ou l'évolution du virus, l'auteur ne se contente pas d'user et d'abuser des grosses ficelles, l'humour jubilatoire d'un des personnages clé évite la monotonie et c'est sans évoquer ce qui va finalement consituter le fil conducteur de l'histoire, décidément pas comme les autres.

En période de crise ou de guerre, on imagine sans mal que cela puisse arriver sans conséquences mais la nature a doté l'être humain à survivre par tous les moyens, prise de conscience collective, l'entraide, appelez cela l'instinct, la lutte collective et l'envie irrépressible de garder l'espoir de lendemains meilleurs, la foi en son prochain, l'amour peut tout traverser et ce roman prend alors une autre trajectoire pour toucher encore un peu plus notre fibre émotionnel.

Un style très imagé dans ses descriptions proches du cinéma d'action intelligent, brute de décoffrage ou flirtant d'une allégorie des plus salvatrices, des moments de poésie furtifs se permettant de façon impromptue une folle incursion dans cette course survoltée contre la montre, le temps de la vérité.

Un plaisir coupable que d'assister à une vague déferlante d'un jeu de massacre grandeur nature, aussi intense qu'un jeu vidéo à la première personne, aussi prenant qu'un des nombreux films ayant déjà traité du thème similaire, zombie ou mort-vivant au choix, cette lecture est purement un excellent divertissement, à prendre le plus souvent au deuxième voire troisième degré, des personnages forts et tellement proche de nos préoccupations quotidiennes qu'ils apportent une valeur ajoutée, la fameuse clé de voûte d'un édifice pourtant sur le point de basculer irrémédiablement, une agréable et appréciable belle surprise, je vous avouerai que le temps consacré à sa lecture, le coeur continuait de battre à l'unisson de tous les Louis, Sliman, Mathieu, Théo, Natacha et consorts, entre dérision et ironie d'un monde absurde, s'il y a bel et bien une fracture sociale et morale en train de mordre la poussière ici bas, se protéger et résister deviennent alors l'engagement et le combat d'une vie.

Une suite a déjà vu le jour avec Viktor, le Début de la Faim 2 qui se voudra assurément aussi déjanté et subversif que ne l'était ce premier tome à la promesse tenue, mariage réussi d'un roman de genre rebaptisé ici Roman de Gare de RER, quand l'horreur défie l'amour, tous les champs des possibles se mettent à clignoter, attention aux étincelles et n'oubliez jamais une chose, surveillez bien vos arrières !

Le Début de la Faim peut commencer ...
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}