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Critique de Cancie


Après Constellation, son premier roman publié en 2014, Grand Prix du roman de l'Académie française et prix de la vocation, puis Capitaine en 2018, Adrien Bosc conclut sa trilogie avec Colonne.
Ce troisième volet est consacré à Simone Weil (1909 – 1943).
S'il est fait mention au cours du roman de la décision de celle-ci d'expérimenter la condition ouvrière en travaillant dans plusieurs usines en 1934-1935, ses impressions notées dans son « Journal d'usine », c'est son ralliement aux Brigades internationales au sein de la colonne Durruti sur le front d'Aragon en 1936, au début de la guerre d'Espagne, que l'auteur va évoquer, ce séjour en Espagne de quarante-cinq jours passé aux côtés des troupes anarchistes de la CNT espagnole.
Un drôle d'équipage compose le groupe international de la Colonne. Convaincu par Carpentier et Ridel, Durruti avait créé cette sorte de corps franc qui réunissait une formation de volontaires étrangers aptes au combat, un agrégat de proscrits et d'idéalistes.
Lors d'une offensive sur les bords de l'Ebre, en regagnant le campement, oubliant un feu enterré, elle se blesse en plongeant le pied dans une bassine d'huile brûlante. Cet accident lui fait abréger par force son séjour en Espagne. Volontairement, elle n'y reviendra plus.
Adrien Bosc va, à partir du peu d'éléments qui reste, un passeport, des notes éparses d'un « Journal d'Espagne » dont il subsiste trente-quatre feuillets, des lettres, notamment celle que la philosophe a adressé à Georges Bernanos et des photographies, évoquer et conter cette existence intense et tragique.
Bien que pacifiste, si la jeune Simone Weil s'est jetée dans un pays en guerre c'est que la position de l'arrière lui était insupportable. C'est ce même empressement qui l'avait conduite à quitter l'enseignement et la philosophie pour l'usine et devenir ouvrière, qui, au terme d'un rassemblement en soutien aux républicains espagnols la pousse à prendre la décision de partir se battre. « On ne s'engage qu'entier. Il y va de la guerre comme de la lutte, du front comme de l'usine, la fraternité est un élan du coeur. »
Elle est avant tout désireuse d'aller au plus près du peuple et des paysans espagnols.
Mais, dans une lettre qu'elle écrira à Georges Bernanos, elle lui confiera sa grande déception. Elle lui explique que, si elle a quitté l'Espagne malgré elle, après son accident, elle n'y est plus retournée, volontairement. Attirée au départ par ce groupe anarcho-syndicaliste, cette guerre lui avait paru être au début, une guerre de paysans affamés contre les propriétaires terriens et un clergé complice des propriétaires, mais elle est devenue une guerre entre puissants.
« On part en volontaire, avec des idées de sacrifice, et on tombe dans une guerre qui ressemble à une guerre de mercenaires, avec beaucoup de cruautés en plus et le sens des égards dus à l'ennemi en moins. »
Dans sa lettre, elle stigmatise la vengeance aveugle et les exécutions arbitraires en lui faisant part de la barbarie à laquelle elle a assisté au sein même des républicains, de la banalisation de la violence et de l'absence de répulsion ou de dégoût à l'égard de sang inutilement versé.
Elle évoque entre autres dans cette lettre, l'histoire de ce jeune phalangiste fait prisonnier par le Groupe International le 22 août 1936, et exécuté sur décision de Durruti, montrant le manque total d'humanité de ses amis révolutionnaires.
Transcrite en milieu d'ouvrage, en italique, comme les autres citations, cette lettre découverte à l'intérieur du portefeuille de Bernanos, à la mort de celui-ci, est à elle seule un parfait résumé et une analyse extrêmement enrichissante de l'expérience que cette brillante intellectuelle a vécue.
La fin du livre est consacrée aux dernières années de la vie de Simone Weil, à son engagement inaltérable pour les plus humbles et à sa quête de justice.
Si, à la demande de son frère, elle accepte de partir à New-York avec ses parents, c'est pour protéger ces derniers et dans l'espoir de rejoindre Londres et la résistance par l'Amérique.
Colonne de Adrien Bosc m'a permis de faire plus ample connaissance avec cette jeune femme agrégée de philosophie, qui, dans sa courte vie, a non seulement tenté de comprendre la condition ouvrière par l'expérience concrète du travail en milieu industriel et agricole, mais également participé à la guerre d'Espagne aux côtés des républicains, et rejoint les gaullistes à Londres.
Une vie brève, puisqu'elle mourut à 34 ans, atteinte de tuberculose, mais ô combien engagée !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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