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Critique de Fandol


Fandol
13 décembre 2022
Après avoir écouté Grégoire Bouillier, le samedi 24 septembre 2022, aux Correspondances de Manosque, j'avais été emballé par la présentation de son dernier roman : le coeur ne cède pas.
Dès l'entretien terminé, livre en mains, l'auteur nous le dédicaçait avec un clin d'oeil sympa à Philippe Jaenada.
Le coeur ne cède pas, un gros pavé de 903 pages, bien au chaud, chez moi, m'attendait. Finalement, après plusieurs semaines d'hésitation, j'ose écrire d'appréhension, j'ai enfin sauté le pas pour me lancer dans ce marathon de lecture avec prise de notes, comme j'en ai l'habitude.
À Manosque, Grégoire Bouillier avait affirmé sa passion pour l'écriture, précisant qu'il ne savait plus s'arrêter, une fois lancé. Cela, j'ai pu le constater et l'apprécier.
L'auteur est parti d'un fait divers qui avait défrayé la chronique : Marcelle Pichon, soixante-quatre ans, avait été découverte dans son appartement parisien plusieurs mois après sa mort, en août 1985. Voulant mourir de faim et noter ce qu'elle ressentait sur un cahier d'écolier, Marcelle Pichon est restée coupée du monde entre le 23 septembre et le 6 novembre 1984, soit quarante-cinq jours passés à perdre la vie, peu à peu, dans de terribles souffrances. Cette mère de deux enfants, deux fois divorcée, était surtout présentée comme ancien mannequin, ce qui excitait d'autant plus une curiosité malsaine.
Décidé à en savoir plus, Grégoire Bouillier crée un cabinet fictif de détectives : Bmore & Investigations, avec, à la baguette, Baltimore (Bmore), et son assistante, Penny. Lors de la présentation du livre, je n'avais pas trop saisi le principe mais, à la lecture, j'ai trouvé l'idée géniale.
Souvent, je ne sais pas trop qui s'exprime, Bmore ou Grégoire Bouillier mais qu'importe, car les deux ne font qu'un et l'auteur en joue très habilement. Par contre, les interventions de Penny apportent à chaque fois une dose précieuse d'humour grâce à ses échanges avec Bmore.
Justement, ces échanges n'ont rien de conventionnel puisque Penny n'emploie jamais « Je » lorsqu'elle s'exprime mais « celle-ci »… Faut s'y faire mais ses réactions, ses coups de colère, ses trouvailles aussi ont rendu ma lecture moins monotone et pleine de rebondissements.
Si Grégoire Bouillier rend hommage à Philippe Jaenada, le citant d'abord puis le sollicitant bien plus tard, il mêle sa vie personnelle à l'histoire comme le fait avec talent l'auteur de la petite femelle. Grégoire Bouillier va même plus loin en développant de véritables pages d'histoire, citant quantité d'auteurs, de films, de tableaux, de musiciens… Si parfois, j'ai cru perdre le but du livre, l'auteur, habilement me ramenait à… Marcelle Pichon.
Littérairement, le coeur ne cède pas est un excellent roman. Une page comme celle consacrée à Irène Omélianenko (autrice, documentariste et productrice à Radio France) est très belle. Avec grand talent, Grégoire Bouillier sait détailler le moindre sujet, la moindre info, développe, explique puis m'entraîne sur un nouveau terrain imprévu.
Trois années de recherches obstinées, de recoupements de l'histoire familiale de Marcelle Pichon, de déplacements aussi, permettent de collecter des détails passionnants autour de la vie de celle qui se faisait appeler Florence quand elle faisait partie du « cabinet Jacques Fath » durant l'Occupation, dans les années 1940. Cette période sinistre de notre Histoire n'était pas vécue de la même façon par tous les Français. Comme bien d'autres, ce grand couturier collait aux basques des nazis installés dans notre pays. Ces derniers profitaient aussi d'énormes avantages, assurant l'extermination des Juifs et des Résistants avec l'aide active du régime de Vichy.
L'enquête de Bmore & Investigations progresse malgré les digressions toujours intéressantes, très justes et non dépourvues d'humour. Par exemple, l'auteur, de temps à autre, barre un mot pour le remplacer par un autre. Cela en dit plus long qu'un long paragraphe. Près de la fin, il noircit carrément tout un passage pour démontrer qu'il ne peut pas divulguer la teneur d'une conversation privée sans l'accord de son interlocutrice.
Il s'agit, en l'occurrence, de la petite-fille de Marcelle qui lui avait interdit d'écrire sur sa grand-mère, sans succès, heureusement, mais la marge de manoeuvre de l'auteur s'en trouvait limitée.
J'arrête là mon ressenti et ces quelques instantanés sur un livre comptant 99 chapitres et un épilogue, plus un oiseau bleu qui intervient souvent dans le récit.
Malgré recherches dans les archives, mise à contribution d'une radiesthésiste, d'un magnétiseur, d'une graphologue, d'une morphopsychologue, d'une astrologue, tout ce roman est finalement bénéfique à l'auteur lui-même. Il réussit à révéler une partie de son histoire qu'il refusait de voir mais je n'en dis pas plus.
Passionnant, captivant, intrigant, lassant parfois, souvent très instructif, le coeur ne cède pas est une belle performance littéraire qui m'a parfois désorienté et emmené dans des directions insoupçonnées pour tenter de comprendre pourquoi Marcelle Pichon en est arrivée à ce suicide au ralenti. Son histoire familiale, sa vie professionnelle, ses secrets, ses zones d'ombre plus le témoignage de son petit-fils éclairent toute une époque pas si lointaine que j'ai pu redécouvrir avec beaucoup d'intérêt.
J'ajoute que quelques photos et documents ont été inclus dans le coeur ne cède pas et que Bmore & Penny mettent à notre disposition un maximum d'images, fruits de leurs recherches, sur www.lecoeurnecedepas.com , une très intéressante initiative.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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