les griffes métalliques s'enfoncent dans le sol intouché depuis si longtemps, dans la terre endormie. Elles arrachent les herbes, qui sont hautes et tranquilles, laissant sur leur passage un profond sillon, une blessure neuve et béante. Le sol meuble se laisse pénétrer. La terre se retourne, grasse et riche. ses mottes retombent mollement.(. . .) le sillon brille grassement, luisant dans la terre réveillé e, forcée, et le châtelain a l'air content et très fier. c'est cela qu'il voulait ouvrir lui-même cette terre, frayer le chemin neuf, féconder ce qui était clos et endormi.
le grand vent souffle et fait bouger la lumière. Et tout respire et tout est vivant, tout frémit et s'agite à ce vent qui a poussé vers nous le châtelain comme il pousse les choses mortes dans les champs, les conglomérats de poils et de plantes qui se jettent pèle mêle dans nos jambes. Rien qui ne grince ou ne tremble ou ne geigne, rien qui ne piaille ou ne gémisse ou ne pépie sous avril. c'est en été que s'installera le grand silence. c'est en été qu'on sera seul.
la Nature nous est marâtre : au talus, elle a donné des ronces, qu'elles nous piquent; dans les champs desséchés, elle a lâché les vipères, qu'elles nous mordent ; au fer laissé sous la pluie, elle a formé la rouille, qu'elle nous blesse et nous infecte. Elle a semé le chiendent au verger. À l'ortie , elle a donné le poison, qu'il nous brûle :et nous la haïssons.