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Critique de tomgus


Dans ce roman Boulgakov fait revivre Kiev dans les mois qui ont précédé son occupation par l'armée rouge.. C'est l'époque confuse où après l'écroulement du régime tsariste, premier bouleversement, on se bat les armes à la main pour le pouvoir. Après le premier traité de Brest-Litovsk signé avec les nationalistes et socialistes ukrainiens , l'armée allemande occupe le pays et a mis à sa tête un homme fort, Skoropadsky, qui prend le titre d'Hetman , c'est à dire de chef.( avril 18) le peuple de Kiev en est rassuré . Mais l'armée des nationalistes-socialistes de Petlioura n'est pas loin . Après la défaite de l'Allemagne ,autre écroulement, les Allemands et leur créature d'Hetman quittent le pays et l'armée de Petlioura occupe Kiev le 14 Décembre 18, avant d'en être chassée début févier suivant par les bolcheviques .
Ces grands bouleversements sont évoqués à travers le vécu de jeunes gens , les Tourbine, enfants d'un intellectuel décédé et qui viennent de perdre leur mère, autre craquement de leur histoire Ce sont 2 frères, l'aîné 27 ans , un vénérologue ancien officier démobilisé, le cadet 17 ans étudiant et leur soeur, de 24 ans mariée à un officier balte partisan de l'Hetman Elle est le pilier de la fratrie et maintient les traditions distinguées de la famille ( vraisemblablement d'origine russe ). A ce groupe se joignent 2 amis qui sont des étudiants engagés dans l'armée de l'Hetman et dans celle d'un prince russe. Ces jeunes gens, «éjectés des rouages de la vie par la guerre et la révolution» sont des partisans du régime tsariste, maudissent l'abdication du tsar et son assassinat et haïssent Kerinski et Petlioura. Ils de rêvent de former une armée russe à Kiev de façon à être «séparés de Moscou par un véritable rideau de fer» l'empêchant d'attraper «la peste moscovite». Ces jeunes gens sont magnifiques de vitalité, de puissance verbale, de virilité et quand ils ovationnent le tsar défunt et chantent sa gloire on est ému par la force de leur dialogue. Cependant ces jeunes gens sympathiques sont en réalité objectivement faibles et pitoyables et on tremble pour eux au cours de leurs aventures guerrières et de leur pérégrination dans la ville.
La ville est en soi un des thèmes majeurs du roman. L'auteur la décrit magnifiquement et nous fait sentir, par des notations rapides et des propos cueillis dans la foule, le caractère extravagant , insensé de la vie qu'on y mène. Les gens n'ont aucune information sur la situation du pays ils sont ballottés par les rumeurs. L'un des jeunes amis des Tourbine, un officier, ignore même qui sont les troupes qu'il combat. C'est l'atmosphère des fins de l'histoire qui est rendue. le peuple essaie de survivre dans un monde qui s'écroule , qu'il s'agisse des riches émigrés qui fuient les bolcheviques, de la marchande de lait qui augmente son prix tous les matins, des boutiquier restés ouverts pendant qu'on se bat à l'autre bout de la ville, des gamins qui jouent au bruit du canon et surtout de ce peuple qui cherche à savoir, s'en prend parfois aux juifs, et conserve une certaine gouaille faite d'acceptation fataliste et de curiosité, peut être pour conjurer sa peur du lendemain.
Au milieu des graves événements qui se préparent Boulgakov n'a pu résister au plaisir de nous étonner et de nous amuser par des gags, tant il est vrai que dans les situations tragiques se glissent parfois des scènes cocasses.Voila des femmes russes qui «ressemblent à des mottes de beurre», un bureau de recrutement de l'armée tenu par un colonel installé dans le petit magasin «Au chic parisien» tenu par madame Anjou. Et beau morceau que ce discours à teneur bolchevique que tient un petit farceur au cours d'une manifestation de Petlioura. L'orateur est perché sur le socle de la statue équestre d'une icône du nationalisme ukrainien , et la foule l'applaudit sans réaliser immédiatement qu'il tient un discours communiste.
Mais le roman a aussi une dimension tragique . C'est celle de la guerre où l'on voit le meilleur ( des colonels refusant d'envoyer au combat leurs jeunes recrues inexpérimentées) et le pire ( des assassinats de civils désarmés), la guerre concrètement décrite par l'empilement des corps congelés dans la morgue de Kiev.Dans la hiérarchie militaire le roman stigmatise les grands chefs. On ne les voit jamais. Ils téléphonent et ce sont ces coups de téléphone qui envoient au combat et souvent à la mort. Ces grands chefs et le chef suprême qu'est l'Hetman sont décrits comme des fantoches car ils s'enfuient à l'arrivée de l'armée de Petlioura, de même que celle-ci s'enfuira quelques semaines plus tard à l'arrivée de l'armée rouge.
Que pense Boulgakov de tout cela? Ces forces qui font l'histoire dans le temps qui passe et qui causent tant de souffrances , pourquoi ne pas les corriger? Tel est à mon sens le message de la dernière phrase de ce livre et des réflexions qu'il inspire dans le con texte des guerres d'Ukraine et de Palestine.
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