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Critique de Herve-Lionel


N°77 – Septembre 1991.
LA VOYEUSE INTERDITE- Nina Bouraoui - Gallimard.

Être une femme dans les pays du Maghreb est une malédiction. Elle porte en elle tous les maux (« Fille, foutre, femme, fornication, faiblesse, flétrissure commencent par la même lettre »fait-elle dire à son père. Ainsi, si l'enfant est un garçon, sera-t-il choyé (et ses parents honorés), si c'est une fille, elle sera rejetée de la cellule familiale, ses parents deviendront ses bourreaux, ses gardiens et sa vie sera celle d'une recluse avec seulement le droit de voir le monde extérieur à travers une fenêtre voilée comme le visage d'une femme musulmane. Elle n'échappe pas aux mutilations sexuelles, aux frustrations qui font naître des fantasmes et de la haine parce que c'est ainsi depuis des millénaires, que cela se passe avec la complicité de la mère puisqu'elle perpétue, presque malgré elle, une tradition au point de lui enlever tout sentiment maternel.

Sur la femme repose le travail domestique, l'abnégation, les maternités répétées qui lui déforment le corps, avec l'obligation morale d'enfanter des mâles. Une jeune file est le désespoir d'une famille, elle se doit de se voiler le visage surtout quand elle devient une tentation pour les autres hommes, épouse, elle reste soumise à son mari , elle est sa chose, l'objet de son plaisir sous peine de manquer gravement aux usages.  de cette jeunesse recluse, la femme arabe s'accommode comme elle peut avec des souvenirs absents qu'elle se fabrique (« On arrange son passé comme on peut surtout quand on est une femme en pays musulman ») et les mots remplacent les sensations interdites, redessinent le bonheur qu'elle n'a pas connu. La seule échappatoire c'est le mariage sans qu'elle sache vraiment qui sera son époux (« Une femme musulmane quitte sa maison deux fois, pour son mariage et pour son enterrement »). Pour les femmes de sa parentèle, ses noces sont une fête, pour son père c'est l'occasion d'une transaction lucrative, pour elle c'est un deuil, un de plus après celui de son enfance. Il débouchera sur une nouvelle forme de solitude. A lire Nina Bouraoui, il plane sur son roman, l'ombre constante de la mort comme un refus de sa condition, comme une délivrance aussi.

Le style du livre est à la mesure de cette violence tant extérieure qu'intérieure. Elle est le quotidien de cette jeune fille musulmane dont elle porte ici le témoignage. Les mots ont une intensité poétique extrême quand elle évoque les paysages grandioses et solitaires du désert, il prend des accents surréalistes qui confinent au délire pour évoquer ses souffrance que seule la mort peut interrompre. Cet ouvrage se termine par une nouvelle vie de la jeune file quI après l'épreuve sans joie de la défloration va devenir une femme puis une mère sans qu'on sache vraiment si elle brisera le cercle infernal de cette tradition ou s'en fera la complice et infligera à se filles les souffrances qu'elle a elle-même subies de la part de ses parents.

Il est des livres qui, une fois refermés laissent à leur lecteur un sentiment indéfinissable. Celui-ci veut porter un témoignage actuel sur la condition de la Jeune fille et de la femme en pays d'Islam. Il est à ce titre intéressant tant par le style que par son aspect documentaire. Pour le lecteur français, il est cependant un peu déroutant face à la perception qu'il peut avoir des pays arabes et de leur évolution face à l'influence occidentale et aux manifestations de libéralisations de la société maghrébine.


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