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Critique de Lutopie


Brassens n'est pas le misogyne qu'on dit.
Il a composé des odes au féminin. Il a repris le genre du blason, comme les poètes de la Renaissance faisant l'éloge de la beauté, de la poésie, sur un morceau choisi du corps féminin. Brassens en joue parce que « Le Blason », il le dédie au con, et la « Vénus Callipyge » au titre élégant, cale une référence à la pétanque et au cul de Fanny. Mais Brassens le fait tout en finesse dans ses chansons, contrairement à moi, il a de la délicatesse, lui. Dans « Rien à jeter », une de ses jolies chansons d'amour, « tout est bon chez elle » (et moi, toujours aussi classe, j'ajoute que tout est bon chez ce cochon). Brassens nous parle avec bonheur et avec honneur des filles de joie ou de toutes ces femmes qui rendent leur mari cocu. Une de celles que je préfère, c'est « La traîtresse », ou plutôt « Ma maîtresse, la traîtresse », celle qui trompe son amant avec son mari, parce qu'elle me fait bien rire celle-ci. Il n'est pas toujours délicat avec les femmes, il est vrai, mais nous ne le sommes pas toujours nous non plus. Nous sommes de sacrés peaux de vaches, ou des jolies fleurs , selon notre humeur ou selon la fantaisie.
En effeuillant« Les Lilas », je me suis dit que ce n'est peut-être pas pour rien que je trouve Brassens triste quand il chante ... Il dit dans une interview qu'il ressent le besoin d'être aimé. Il a un sourire coquin, celui qui chante a propos de ce "coquin de sort" mais ses yeux restent tristes, je trouve, et sa musique me laisse ce sentiment aussi ...

« Si ma chanson chante triste
C'est que l'amour n'est plus là »

« Et c'est triste de n'être plus triste sans vous ». (p.171)

Brassens entame « Je suis un voyou » par :
« Ci-gît au fond de mon coeur une histoire ancienne,
Un fantôme, un souvenir d'une que j'aimais …
Le temps, à grands coups de faux, peut faire des siennes,
Mon bel amour dure encore, et c'est à jamais … »
Il compare la femme à la Madone (la mère par excellence) :
« De la Madone, Tu es le portrait ! »
Elle, plus loin, comme une mère pourrait le faire, avec les mains sur les hanches  :
« Elle m'a dit, d'un ton sévère :
Qu'est-ce que tu fais là ? ».
Il se soumet assez souvent à la volonté impérieuse de cette femme : « Je subis sa loi, je file tout doux sous son empire » , comme dans « Je me suis fait tout petit ». C'est un coquin, ce personnage polisson, qui ne demande qu'à être mené par une femme à la figure maternelle, aux « dents de lait » quand elle sourit, chante ; et aux « dents de loup » quand elle se fait méchante.

Brassens nous charme avec ces femmes, aux « grâces roturières », avec sa Margot, la « Déesse en sabots ». Des femmes un peu naïves celles-ci. Dans «  Brave Margot », je crois qu'il rend un bel hommage aux mères et à la scène de l'allaitement. C'est, après tout, « un petit chat qui venait de perdre sa mère » et « le chat, la prenant pour sa mère, se mit à téter tout de go ». Nous n'entendons le plus souvent que la version la plus coquine, celle qu'on entend derrière ce fameux " là, la la la la la la". Il suffit de garder notre âme d'enfant, pour entendre autre chose, l'innocence. Cette naïveté du sens, c'est aussi ça qui fait que Brassens trouve un si grand public, et c'est quelque chose que j'admire, ces différents niveaux de lecture. Victor Hugo, de même, dans les Contemplations, mêle aussi bien les registres dans ses poèmes.

Quant aux mélodies de Brassens, certains disent que c'est sempiternellement la reprise de la même ritournelle,
moi je dis que ce retour du même, justement, cette musique familière qu'on entend, nous fait penser à une mélodie entendue il y a longtemps
« Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend. » (Verlaine)
Dans « Celui qui a mal tourné », il se met en scène alors qu'il revient au quartier natal et qu'il ne retrouve plus ce qu'il a laissé derrière lui. On peut dire, je crois, que Brassens est un passéiste, un éternel nostalgique. Il est un peu mélancolique aussi, notamment dans ses chansons qui parlent de la mort.

Je ne m'attarde pas longuement sur le Brassens plus scandaleux, nettement plus drôle, des « Trompettes de la renommée », de « La ronde des jurons », du « Pornographe » et j'en passe. Je ne parle pas non plus du Brassens anti-clérical, anti-flics, du "Mort aux vaches". Je citerai juste Victor Hugo qui dit dans les Misérables que « [d]evenir un coquin, ce n'est pas commode. Il est moins malaisé d'être honnête homme. »

Sinon, ce que j'écoute le plus volontiers dernièrement de Brassens, c'est « Le bistrot » et « Le vin ». mais je le répète, j'aime tout chez lui.

PS : Je salue la (ré)partition intelligente des poèmes et chansons dans cette édition puisque nous avons sans la mélodie les textes disposés comme des disques à deux faces.
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