Journal japonais

Le cordon ombilical
ne peut pas être rattaché
et transmettre la vie
à nouveau.

Nos larmes ne sèchent jamais
totalement.

Notre premier baiser est à présent un fantôme
qui hante nos bouches tandis qu’elles
s’estompent
vers l’oubli.

Les femmes sont toutes si séduisantes
au Japon
que les autres ont dû être noyées à la naissance.

Quand les rêves s’éveillent
la vie s’achève.
Ensuite les rêves ont disparu.
La vie a disparu.

Indirectement, c’est le peuple japonais qui l’a tué.
Ce sont eux qui ont largué la bombe sur lui.
Il ne s’en est jamais vraiment remis.
Cela fait maintenant trente-quatre ans qu’il est mort.
Il était la gloire de la famille.
Il était notre avenir.
Tout ce que je viens d’écrire est une légende de notre histoire familiale. Il se pourrait que les faits et dates soient légèrement erronés vu que cela remonte à bien longtemps, et les faits et dates changent. Ils sont altérés par les ratés de la mémoire humaine et la tendance à enjoliver, c’est humain, il n’empêche, une chose est tout à fait exacte :Mon oncle Edward est mort, il avait dans les vingt-cinq ans, et indirectement il est mort à cause du peuple japonais qui a largué une bombe sur lui, et rien dans ce monde, ni pouvoir ni prière, ne nous le rendra jamais.

On répète
ce qu’on parle
et ensuite on
reparle et
parler c’est parler.

Les actrices sans leur maquillage,
leurs costumes ni leurs rôles
redeviennent des êtres mortels.

La guerre est devenue pour moi le point de mire.
J’ai commencé à comprendre ce qui s’était passé.
J’ai commencé à comprendre les mécanismes qui font que la logique et la raison défaillent dès que commence une guerre. L’irrationnel et la folie règnent tant qu’il y a la guerre.

J’ai détesté les Japonais durant toute la guerre.
Pour moi, ils représentaient des créatures infra-humaines diaboliques qu’il fallait détruire pour que la civilisation l’emporte avec la liberté et la justice pour tous. Les dessins humoristiques des journaux les montraient semblables à des singes à dents de lapin.

Il y a des milliers de gens qui tombent de cinq mètres de haut et s’en sortent sans une égratignure, secoués mais pas blessés. D’autres se cassent le bras ou la jambe.