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Critique de Nastasia-B


Les Fusils de la Mère Carrar est une très courte pièce en un acte de Bertolt Brecht. Oui, Bertolt Brecht, il faut que je me le répète fréquemment car à aucun moment je n'ai eu l'impression de lire autre chose que du Federico García Lorca.

Bien que cette pièce de 1937 ne soit probablement pas conçue comme un hommage au poète et dramaturge espagnol disparu l'année précédente (quoique, ce serait à creuser…), de par son sujet, l'atrocité de la Guerre d'Espagne en Andalousie, de par sa prise de position, proche des gens, contre Franco, elle ne peut qu'évoquer le combat de García Lorca.

Pourtant, cette pièce ne fait pas du tout dissonance dans l'oeuvre de Brecht, très cohérent avec lui-même, ouvertement ennemi de toutes les formes de fascisme, mais elle a le parfum féroce de la rude Andalousie et de la tragédie collective qui s'y est jouée dans les années 1930.

Très bien écrite, très bien amenée, comme c'est souvent l'habitude chez Brecht, son sujet n'est pourtant, selon moi, ni la résistance, ni la dénonciation. Le sujet me paraît plus philosophique, plus théorique : la neutralité en cas de conflit.

Oui, Bertolt Brecht pose hardiment la question : Peut-on décemment se déclarer neutre et pacifique quand ce qui se joue c'est la vie et la liberté ? Une question qui s'est posée en son temps en Espagne, qui a dû se poser il y a une vingtaine d'années en Bosnie et qui se pose encore et plus cruellement que jamais au Proche-Orient aujourd'hui.

La réponse de l'auteur est sans équivoque ; c'est à mon sens le principal point faible de la pièce. Présentée dans un premier temps sous une forme relativement dialectique et équilibrée, elle prend au dénouement de la pièce un caractère univoque : on n'a pas le choix, il faut s'engager contre le fascisme, quitte à y perdre la vie.

Si l'on se souvient que Bertolt Brecht écrit cette pièce en plein dans le feu de l'action de la Guerre d'Espagne, qu'il ne prend même pas la précaution littéraire de changer les noms des dirigeants comme il l'avait fait dans La résistible ascension d'Arturo Ui, on peut comprendre et pardonner cette réponse simple dictée par l'urgence de la situation.

En deux mots, madame Carrar est veuve : elle vient de perdre son mari qui s'est engagé dans la lutte contre Franco. Elle redoute de voir ses deux fils suivre le même chemin et se réfugie donc dans la neutralité en interdisant formellement aux deux garçons de prendre parti (en l'occurrence, rejoindre le maquis).

Cette décision est d'autant plus dure à tenir que le village est fermement résistant et que les jeunes hommes Carrar se font régulièrement conspuer pour leur non engagement, eux qui ont des cœurs vaillants.

Soudain arrive le frère de la veuve qu'on n'a pas vu depuis longtemps. Il est lui aussi très activement engagé dans la résistance à Franco et vient chercher… les fusils de la mère Carrar, ceux qui appartenaient à son beau-frère. Il espère repartir non seulement avec les armes mais aussi avec deux combattants supplémentaires…

Je vous laisse découvrir la lutte acharnée d'une mère qui, ayant déjà vu revenir son mari les pieds devant, fait tout son possible pour éviter que ses fils ne lui échappent à leur tour, eux qui ne rêvent que de prendre les armes.

En somme, du bon García Lorc… euh, non, Brecht, rude comme le soleil et les pierres d'Andalousie, où les fusils deviennent le symbole de l'engagement dans la lutte contre le fascisme. À découvrir, mais ce n'est bien sûr que mon avis à un coup, pas toujours percutant, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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