L’absence est à l’amour ce qu’est le vent au feu, il éteint les petits et ravive les grands.
On n’a pas besoin de voir pour savoir, les yeux des autres nous suffisent souvent.
Il fit quelques pas dans la pente et regarda blanchir la nuit. C’était comme une gaze qui s’imbibait de ciel et lui ôtait ses teintes sombres. Rien d’important en apparence et pourtant tout se transformait, se délayait dans un émiettements de lumière qui révélait les formes en ponçait les reliefs.
Une vapeur d’eau tiède baignait la vallée, retroussant ses voiles sur le bord des versants. Au-dessus, les sommets émergeaient de leur cache-nez de laine grise, attendant patiemment que la lumière vint les réchauffer. Il y avait dans tout cela une douceur de matin clair.
L’absence est à l’amour ce qu’est le vent au feu, il éteint les petits et ravive les grands.
Il respira fort, croyant ainsi chasser la poussière des souvenirs.
A un moment, il posa la main sur le dos du fauteuil. Le cuir semblait chaud comme si un corps venait de s’y reposer, il était rêche, crevassé par endroits, pareil à ces cicatrices faites aux arbres quand on leur confie un secret de cœur.
Les deux sœurs se regardèrent. L’une petite est mince, un corps tout en finesse et en os d’oiseaux. L’autre, la cadette, plus en rondeurs, surtout aux hanches qu’elle avait larges, lesquelles étaient portées par des jambes droites comme des troncs de sapin.
La vieille femme s’imprégnait de ces détails. Dans l’instant, il ne lui était pas possible de réunir tous ses souvenirs, mais plus tard, cette nuit ou dans les jours à venir, lui reviendraient ces petits morceaux de mémoire qu’elle recoudrait un à un pour leur donner l’apparence de la réalité.
C’est ça l’histoire d’Alphonsine, c’est une femme qui a su donner de l’amour à deux hommes pareillement. Pas parce qu’elle ne voulait pas choisir mais parce qu’elle aimait l’un autant que l’autre.