Elle me refuse la liberté élémentaire d'une jeune fille de vingt-deux ans. Pour elle, la jeunesse est une maladie infantile dont il faut surveiller le moindre épanchement avec une attention constante. Elle se méfie de moi. Elle ne me comprend pas. Elle ne voit pas qu'un siècle nouveau vient. J'enrage. J'enrage de dépendre d'elle, de son argent, de son hospitalité. Je voudrais être libre de mes pensées, de mes mouvements, de mes amitiés.
Qu'importe, quel spectacle, un fleuve qui prend de force une ville tout entière, la violente et l'oblige. L'eau a tellement gonflé. Elle a trouvé la force d'une évidence que nul ni rien ne peut plus arrêter. Elle veut, elle prend. Voilà tout. Il y a deux jours qu'elle a jailli de son lit, ivre de rage et de vigueur. Depuis, elle s'immisce, envahit, inonde, brise, souille. Rien ne résiste à une telle force de la nature. Sa puissance liquide ouvre des voies au milieu des pierres, tranche des chemins dans les chantiers du métropolitain qui éventrent Paris depuis des mois, tord des palissades de bois.
Vous savez, les sépultures, c'est une affaire toujours très sensible, très délicate. Une tombe, c'est une histoire de famille, avec ses jalousies, ses mythes, ses secrets, ses trahisons. Si vous aviez idée des luttes familiales qui peuvent exister autour de la possession d'une simple fosse ! Il y a...