Sa terre était toujours une terre d'esclavage et de café. Un pays de grands propriétaires terriens qui ne juraient que par le cheval et le fouet. Une population qui avait été majoritairement noire jusqu'au siècle dernier, que l’État avait volontairement blanchie par sa politique d'immigration favorable aux Italiens, aux Polonais, aux Allemands...
Un pays qu’elle-même avait fui, car, en y demeurant, elle serait devenue malade d’injustice. Elle se serait consumée dans la fournaise de la haine, aurait retourné contre elle-même la lame acérée du racisme triomphant et après quelques pas, se serait écroulée, écorchée vive. Son pays ne l’aimait pas mais elle en faisait indéniablement partie.
Quelques semaines plus tôt, Aurèle aurait probablement saisi discrètement la main de Gipsy dans la voiture. Voilà ce que c'était, la mort de l'amour, pensa Gipsy : la fin d'une série de petits rituels qui permettent de faire face à la violence du monde. (p. 358)