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Critique de magalibertrand


Lorsqu'en juin 1958 Aurèle Marquant, cinéaste essentiellement versé dans le documentaire de guerre, débarque à Rio de Janeiro accompagné de sa très jeune, très jolie (et très noire !) épouse, comédienne de son état, on n'a jamais vu ça : un couple mixte, franco-américain, lui blanc, elle noire, s'apprêtant à réaliser au Brésil un film français adaptant la pièce d'un poète brésilien sur le mythe latin d'Orphée et Eurydice. Et, non content de préférer tourner dans un décor de favelas plutôt que dans les quartiers les plus nobles (et les plus blancs !) de Rio, voilà qu'Aurèle Marquant décide de confier toute la distribution de son film (toute !) à des comédiens plus ou moins amateurs mais complètement noirs ! Quant à la partie musicale, colonne vertébrale de l'oeuvre, elle aura, à n'en pas douter, une sérieuse tendance au déhanchement puisqu'elle sera composée et interprétée par Carlos Jobim, Luiz Bonfa et Baden Powell, offrant aux oreilles du monde du jamais entendu : la bossa nova.
Pendant toute une année, du soleil de Rio à celui de Cannes, Estelle-Sarah Bulle nous invite à suivre la course de ces étoiles filantes dont la lumière fugace ne survivra que dans les yeux et le souvenir de ceux qui l'auront aperçue, le temps d'une projection inoubliable et peut-être renouvelée de loin en loin pour le plaisir de retrouver leur éclat. Mêlant, avec beaucoup d'érudition et de dextérité, la fiction à la mémoire, elle offre à ses lecteurs et lectrices une immersion dans un Brésil fiévreux et affamé d'espoir et de reconnaissance, dans un cinéma en quête de liberté, encore bâillonné de bien-pensance, de surveillance et de principes réactionnaires, entre commission Mc Carthy et Nouvelle Vague. Dans son premier roman, Là où les chiens aboient par la queue, j'avais admiré, déjà, sa plume engagée et sans concession, s'efforçant de se tenir au plus près de la réalité, quitte à écorner, au passage, quelques clichés réconfortants. Ne manque, peut-être, à sa noblesse, qu'un peu de souplesse pour passer du coup de chapeau incontesté au coup de coeur espéré.
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