Alors que Perec a multiplié les ruses et s'est enchanté des messages à triple entente, la marque la plus profonde qu'il ait laissée en beaucoup de ses lecteurs tient en quelques phrases très simples. Ainsi, « je fus comme l'enfant qui joue à cache-cache et qui ne sait pas ce qu'il craint ou désire le plus : rester caché, être découvert ». Ou cette approche ― là encore ― de l'écriture : « Laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes. » Ou cette façon d'investir le plus banal des énoncés : « Je me souviens. »
Perec a fait de la phrase de Klee « le génie, c’est l’erreur dans le système » une des formules qui le guident. Il lui faut de la machine et du système pour qu’au prix d’un déraillement plus ou moins léger advienne de l’imprévisible, de l’inventif, du vivant.
Le legs de Perec à quiconque écrit tient en ce modeste conseil : cherchez vos mots, laissez-leur vraiment l'initiative, à leurs collisions de lettres ou de sons, aux incertitudes de leur advenue et de leurs zigzags. Le jeu de mots viendra comme de lui-même faire vaciller nos principes de classement. « Je ne pense pas mais je cherche mes mots : dans le tas il doit bien y en avoir un qui va venir préciser ce flottement, cette hésitation, cette agitation qui, plus tard, « voudra dire quelque chose ». » « C'est surtout, conclut-il, affaire de montage, de distorsion, de contorsion, de détours, de miroir », autrement dit d'artisanat et de débrouillardise.