Calypso roula des yeux. Caleb était aveugle ou quoi ?
— Eh bien, c’est simple, cette Renarde t’a fait les yeux doux toute la soirée ! Elle ne s’est pas contentée de jouer les groupies de loin, elle t’a collé au basque comme une tique. C’était agaçant ! Tu es sûre que ce n’est pas une métamorphe vampire ? Moi, je dis que ça expliquerait bien des choses ! Enfin, quand ma patience est arrivée à bout et que je lui ai dit de garder ses distances, elle m’a répondu que c’était moi qui étais trop collante ! Cette vieille peau !
Surpris par la diatribe, Caleb éclata de rire. Calypso avait vraiment une façon bien à elle de présenter les événements.
Suprêmement vexé, le sorcier de Nèfles se rétablit rapidement sur ses pieds et, abandonnant toute velléité de nonchalance, attaqua avec une vitesse qui surprit son Nahual. Caleb reçut un coup de poing en plein visage. Calypso lâcha un petit cri lorsque du sang coula de son arcade sourcilière. Le coup l’avait fendue.
— Ce n’est qu’un petit bobo de rien du tout, la rassura Caleb toujours les yeux fermés.
Le coin de sa lèvre se plissait en un sourire réprimé que Calypso, les yeux rivés sur la vidéo, manqua. À l’écran, à moitié aveuglé par le sang qui avait jailli de sa blessure, Caleb réussit tout juste à prévenir instinctivement un autre coup au visage avant que l’arbitre ne suspende le match. L’ours d’Hellébore dut se faire nettoyer la figure avant que le combat ne se poursuive. Dans un match de kickboxing MSK, le sang n’était pas toléré.
— Ce n’était pas un petit bobo, protesta Calypso en se tournant vers lui. Tu as saigné. Si tu n’étais pas un métamorphe, tu aurais eu un coquard.
— Je parle d'un quatre-quarts au chocolat, Calypso, se gaussa Loreleï, le regard pétillant. À quoi ton esprit mal tourné, pensait-il ?
Calypso commença par furieusement bafouiller avant de se ressaisir magnifiquement, faisant fi de son teint d’écrevisse, elle déclara avec hauteur :
— À rien du tout ! Le quatre-quarts n’est pas un gâteau digne de motiver les troupes, c’est tout !
Le rire de Loreleï qui salua sa sortie était clairement moqueur. Ignorant son amie, Calypso se pencha par la fenêtre pour crier :
— Je t’achèterai un gâteau au miel de…
Elle ne put achever sa phrase. Ou plutôt, celle-ci se termina en une quinte de toux incompréhensible lorsque Loreleï lui lança d’un ton plein de sous-entendus :
— Ce qui compte, ce n’est pas le gâteau, petite, c’est l’assaisonnement que tu proposes avec !
— Tu es de quel côté exactement ? Je sais que je me montre déraisonnable avec une nette tendance à dramatiser, alors inutile de le pointer. Laisse-moi être une drama queen !
Caleb était toujours estomaqué par la lucidité de sa sorcière. Elle était capable d’analyser ce qu’elle ressentait à chaud, comme si une petite part d’elle se tenait au-dessus de sa tête pour prendre des notes sur ce qu’elle ressentait.
— Je suis et serai toujours de ton côté, ma Reine, affirma-t-il en haussant les sourcils d’une façon idiote pour la faire rire. Mais, si nous voulons réellement avancer et boucler ce truc avant le dîner, il va falloir mettre le « drama » de côté.
Le corps de Calypso se détendit et elle lâcha un bref éclat de rire.
— Je vois que mon frère avait raison, les êtres avec une Âmessence terre et feu sont beaucoup plus susceptibles que nous autres les Âmessences d’air et d’eau.
— Susceptible !! rugit Caleb.
Calypso pouvait sentir l’ours poindre le bout de son museau. Elle pivota lestement pour bondir entre deux cartons, mais elle riait si fort qu’elle trébucha sur le manche d’un balai qui sortait d’une caisse et s’effondra. Caleb bondit pour l’attraper avant qu’elle ne tombe, la tête la première, sur le sol.