AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


Un récit à la première personne. le narrateur, bien qu'il raconte avec tous les détails et précisions un certain nombre de faits et d'actions le concernant, reste assez anonyme, au lecteur d'imaginer son apparence, la maison dans laquelle il habite, ou le laisser sans visage. le récit alterne le présent et différents moments du passé, les souvenirs qui reviennent, dans une structure complexe et parfaitement maîtrisée. Très vite, il apparaît que ce qui a été central dans cette vie, c'est la relation de cet homme avec sa mère. D'une certaine façon, la seule relation qu'il a réussi à établir dans toute sa vie. Toutes les autres personnes qui auront croisé son chemin n'auront été que des silhouettes, des objets qui auront pu satisfaire telle ou telle envie du moment, où des cobayes pour des observations ou des supposées expériences.


Une obsession se fait jour à un moment, en lien avec un récit que sa mère lui a fait : celui de la maison muette, dans laquelle Akbar aurait fait élever des enfants par des muets, pour tenter de savoir si le langage était inné ou s'il avait besoin d'être appris. le narrateur veut reproduire l'expérience, donner une réponse définitive à la question. Suite à une série d'événements, il se trouve père de jumeaux, la mère mourant peu de temps après leur avoir donné naissance. Il va tenter de refaire l'expérience d'Akbar dans la cave. Mais les choses ne se passent pas forcément comme il les avait imaginé, quelque chose échappe à son contrôle.


John Burnside possède une écriture belle, très précise, qui peut aller à l'essentiel, mais qui s'orne par moments, fait des volutes, des digressions, qui tient le lecteur, lui fait suivre les chemins sinueux de son personnage. Comme je l'ai déjà dit, la construction du récit est magistrale, et donne une très grande densité à ce livre ramassé, à peine de 200 pages. L'auteur adopte un ton détaché, une approche factuelle, dénuée de sentiments, d'émotions, de jugements de valeurs. Cela correspond au fonctionnement de son personnage, incapable d'éprouver lui-même des émotions, des sentiments, d'avoir de l'empathie pour un autre être vivant, donne au roman sa force : raconter des choses terribles (souffrances physiques, meurtres…) sans aucun affect. Juste en donner une description, neutre, objective en quelque sorte, tout au moins en apparence.


Parce que malgré une impression de toute puissance que le personnage exprime, une impuissance se fait jour. Celle de comprendre réellement l'autre et de communiquer avec lui. Les « expérimentations » n'y feront rien : aussi misérables que soient ses enfants réduits à l'état de sujets dans une cave, ils auront réussi à tisser un lien entre eux, un moyen de communiquer à travers un chant, qui restera à jamais incompréhensible à leur père-bourreau. Parce qu'il est incapable de percevoir que la première fonction du langage est d'être avec l'autre, et surtout que cela ne lui est tout simplement pas possible. D'où une angoisse, une peur de ces enfants qui possèdent une capacité qui lui sera toujours interdite, qui le poussera à les tuer, après les avoir privé de voix. En mettant en route une nouvelle possibilité d'expérience, aussi vouée à l'échec que la première.


Un livre remarquable, qui provoque souvent un malaise, mais qui emporte le lecteur, grâce à un sujet fort, et à traitement maîtrisé du début jusqu'à la fin.
Commenter  J’apprécie          204



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}