Dans ce pays où on chabaude sans fin sur les morts et les vivants, ceux qu'on connaît comme ceux qu'on ne connaît pas !
Cet homme posé là à l'entrée de notre impasse, cet après-midi, c'était comme cinq bémols mis à la clé : une de nos journées transcrite en mode mineur, identique et pourtant différente, sonnant autrement - notre printemps déjà touché par un automne et ses lointains brumeux, notre ici hanté par un ailleurs un peu louche, où le vent, dans les branches, fait courir des rumeurs.
- Ce mec, je vous jure qu'on pourrait l'arroser au pied sans qu'il moufte. Il poireaute : il met des racines, et il pousse. Je vous jure qu'il pousse, le poireau.
Jamais il n'a compris cette stupide nostalgie de l'enfance et de l'adolescence qu'il semble convenable de montrer quand on est adulte. A quinze ans, on est con, méchant, et malheureux. On ne s'aime pas. On méprise les plus jeunes, on envie les plus vieux, et on n'aime personne. Surtout, on s'ennuie à mort.
Ils nous jettent de force dans un londe que je n'aime pas du tout. Ce monde où l'on cloue les chouettes sur les portes des granges, où l'on pend haut et court les voleurs de poules et ceux qui ont le mauvais oeil, où l'on brûle, lapide, décapite ou crucifie pour un oui ou pour un non. Peut-être le vrai monde d'ailleurs.