AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de StCyr


StCyr
27 novembre 2014
Erewhon, anagramme de nowhere, dit assez devant quel type d'ouvrage nous sommes : il s'agit d'un roman utopique et satirique - donc à portée philosophique, et aux moyens humoristiques, dans la digne lignée des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift.

Le narrateur est un colon assez fat, partit chercher fortune dans un pays reculé en y élevant du bétail. On nous préviens dès le début que cette recherche se solda par un échec, mais qu'il y fit de grandes et inestimables découvertes pouvant lui être bien plus profitables. Pour cela, il lui faut se procurer une conséquente somme d'argent, que la publication du témoignage de son voyage pourrait être à même de lui fournir, à condition qu'il reste suffisamment évasif sur les détails géographiques pour éviter qu'un mal attentionné lui coupe l'herbe sous le pied. En rapprochant les éléments biographiques de la vie de Samuel Butler, on peut estimer que le lieu imaginaire ressemble furieusement à la topographie si particulière de la Nouvelle-Zélande. le narrateur n'est pas à proprement parlé sympathique : c'est un être très satisfait de lui-même, ridicule dans ses prétentions de colon à se faire missionnaire auprès de cette peuplade d'un pays inconnu, qu'il prend pour les tribus perdues d'Israël, tout en étant très cynique dans l'espoir avoué d'en tirer profit et lucre. Il est en somme l'incarnation du regard condescendant et pudibond de l'homme dit civilisé, conformiste, digne échantillon britannique du Colonial Empire, sûr de sa force, de son droit, de la supériorité de sa morale et de ses principes sur ces hommes dans leur primitif état de nature. Il est vrai qu'il se trouve en face de curieux us et coutumes dans cette contrée, étrange univers à la morale inversée où être porteur d'une montre est hautement blâmable, le fait d'être malade durement condamné de prison, tout comme la pauvreté, où l'aveu d'une mauvaise humeur vous attire d'aimables condoléances, où les actes que l'on qualifierait de délits sont considérés comme un accès de maladie morale qu'on soigne avec humanité, où être victime est répréhensible comme constituant un trouble à l'ordre publique, et le fait d'être blond aux yeux bleus vous offre un brevet d'authentique aristocrate!

Ce roman contient donc une critique sous-jacente de la société britannique de son époque, de son hypocrisie, de son matérialisme âpre et de son utilitarisme peu scrupuleux, grâce à l'exposition d'un univers onirique et absurde. C'est aussi une mise en garde contre les prophètes de toutes espèces et les philosophies insidieuses, de l'absurdité, de la stérilité et de la destruction qui menacent dans l'aveugle obéissance aux raisonnements abstraits.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}