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Critique de LivresdAvril


"Panique à la Scala" est un recueil de vingt-deux nouvelles fantastiques. Dans la plupart d'entre elles, Dino Buzzati épingle avec ironie les petits arrangements que nous faisons avec notre conscience. Ou le "faites ce que je dis, pas ce que je fais" porté à son plus haut niveau.
Comme toujours dans ce type de recueil, toutes les nouvelles ne se valent pas. Mais l'ensemble est de très bonne tenue !

"Une ombre au Sud"
Le narrateur fait des escales en divers ports entre l'Égypte et l'Éthiopie. Sous une chaleur infernale, il aperçoit à plusieurs reprises une silhouette titubante vêtue de blanc que personne d'autre ne semble voir. Tout d'abord effrayé, puis intrigué, il finit par espérer voir cette ombre. Qu'est-elle ? Que signifie-t-elle ? Sera-t-elle l'impulsion permettant au narrateur de quitter son bateau pour partir à l'aventure ?

"La mise à mort du dragon"
Une nouvelle qui met en scène la caractère impitoyable de certains hommes lorsque leur honneur (ou plutôt ce qu'ils considèrent comme relevant de leur honneur) est en jeu. Ainsi, Martino Gerol et Quinto Andronico (qui se disputent le coeur de la belle Maria) partent pour une chasse au dragon qui ne tourne pas vraiment comme ils l'espéraient.

"Une chose qui commence par un L"
La journée de Schroder avait bien commencé. Il ne sentait plus du tout la faiblesse qui l'avait surpris la veille, le poussant à appeler un médecin. Mais voilà qu'une visite bouscule ses certitudes et compromet son avenir.
Terrifiant comme un petit accident peut avoir des conséquences dramatiques, parfois bien plus tard !

"Panique à la Scala"
Nouvelle éponyme du recueil, probablement parce que c'est la plus longue.
Soirée de gala à la Scala : c'est la première d'une oeuvre contemporaine ayant fait scandale à Paris, tous les notables doivent s'y montrer.
Buzzati joue avec les apparences, les rumeurs, les idéaux et les valeurs, qui volent en éclats au premier signe de danger. Car les spectateurs de la Scala sont persuadés que des révolutionnaires marchent sur Milan et les menacent directement.

"La fin du monde"
Ou quand une inquiétante apparition rend une ville totalement folle.
Si "Panique à la Scala" était centrée sur la haute société, "La fin du monde" s'intéresse à la réaction du peuple. Mais l'un ne vaut pas mieux que l'autre : quand une menace mortelle pèse sur l'homme, il perd toute lucidité et le sens des proportions.
Voilà les confessionnaux pris d'assaut, tout le monde (y compris ceux qui n'allaient jamais à l'église) voulant se faire absoudre de ses péchés avant la fin du monde. Les prêtres, débordés, ne savent plus où donner de la tête. Une nouvelle qui donne de l'humanité une image de poulet sans tête.

"Requêtes superflues"
Un homme rêve de moment précieux partagés avec son amour. Chaque saison sa poésie, son infime magie qui rend le bonheur évident.
Mais que devient le couple s'il ne partage pas la même vision de la vie ? Si l'homme et la femme ne sont pas sensibles aux mêmes choses ? Est-il possible d'étouffer sa sensibilité par amour ?
Une nouvelle qui pose des questions pertinentes, et dont la conclusion est étonnante.

"Conte de Noël"
Quel titre ironique ! En ce réveillon de Noël, la présence du seigneur est perceptible dans différents lieux. Mais voilà que le secrétaire de l'archevêque refuse une petite part de Dieu à un pauvre. Et immédiatement, Dieu disparaît. Tout comme dans "La fin du monde", l'auteur épingle une religion dont les "servants" ne valent pas mieux que leurs fidèles.
Ainsi, si Dieu imprègne les foyers en cette veille de Noël, est-il chrétien de refuser de le partager ?

"L'enchantement de la nature"
Scène de jalousie dans un couple. Les noms d'oiseaux fusent, les reproches aussi.
Mais voilà qu'une menace soudaine remet les choses en perspective. Décidément, les humains de Buzzati sont de bien faibles créatures face à un risque mortel !

"La cité personnelle"
Cette nouvelle file la métaphore de la description/visite d'une ville pour expliquer que l'on ne parvient jamais vraiment à faire comprendre aux autres qui l'on est.
Ainsi, les éléments que l'on livre ne correspondent pas à leurs attentes pendant que les questions posées par les proches semblent inintéressantes.
Et nous n'avons d'autres choix que de rester seul quand la nuit tombe et que les touristes rentrent chez eux.
"Course après le vent"
Dans cette nouvelle, Buzzati saute du coq à l'âne, au gré du vent. Fines tranches de vies, sans début ni fin. Sans lien apparent. Il surgit à la fin, petit twist malicieux.

"Deux poids, deux mesures"
Ou comment le contexte a raison des valeurs !
A travers les écrit d'un journaliste de mauvaise foi, du régime alimentaire d'une dame de la Société des amis des bêtes, de la profanation d'une tombe royale et du baratin de deux bonimenteurs, Dino Buzzati met à jour les contradictions de ses personnages. Et les nôtres par la même occasion. Une mise en perspective tout à fait réjouissante !

"Précautions inutiles"
Jeu sur des coïncidences qui influent sur le destin des personnages.
Buzzati énumère différentes précautions contre les fraudeurs, les espions, les voleurs et même contre l'amour. Mais évidemment, ces précautions étant à destination des humains, elles dépendent de leur concentration, du contexte voire même du hasard. Un joli pied de nez à ceux qui croient pouvoir tout contrôler.

"Le tyran malade"
Peut-être la nouvelle qui m'a le moins plu.
Oui, asseoir son pouvoir par la force est haïssable. Oui, les mastodontes sont sujettes à la maladie comme les autres. Oui, il est normal que les opprimés sautent sur l'occasion de les destituer.
Mais ce récit m'a mise mal à l'aise.

"Le problème du stationnement"
Le narrateur s'est acheté une voiture. Pourquoi, puisque jusque-là il allait à pieds ou en tram ? D'autant que, loin de lui faciliter la vie, ce nouveau moyen de transport est source de stress. Car il s'agit maintenant de trouver une place de stationnement tout en arrivant à l'heure au bureau. Une nouvelle pour les fans d'absurde.

"C'était interdit"
Dans un futur proche (similaire à celui de "Fahrenheit 451"), la poésie est interdite. Ainsi que tout ce qui détourne de la productivité. Mais voilà qu'un soir de pleine lune, le ministre du Progrès surprend sa fille rêvassant. le début de la fin ?

"L'invincible"
Le professeur Ernesto Manarini invente une machine qui va révolutionner la guerre. Reste à la faire adopter par l'armée et à voir comment elle sera utilisée. le prestige lui reviendra-t-il ? Quelles seront les conséquences ?

"Une lettre d'amour"
Quatre pages et demie d'une richesse folle. Buzzati évoque la multitude de sollicitations de notre quotidien, le temps qui passe vite, trop vite, mais aussi cette nécessité d'exprimer ses sentiments à l'être aimé. Sentiments qui semblent tellement plus importants que les tâches de bureau. Mais voilà que lesdites tâches prennent tout le temps disponible et que le temps suit son cours. le sentiment amoureux sera-t-il assez puissant pour résister ?

"Oeil pour oeil"
Entre la farce et Kafka. Une famille rentre chez elle et découvre que des insectes ont envahi les lieux. Ils cherchent à s'en débarrasser mais ne savent pas que cette décision aura des conséquences sur leur avenir...

"Le mot prohibé"
Peut être ma nouvelle préférée. Elle débute par une discussion au sujet des règles et de leur respect. Est-il plus efficace de légiférer, d'en appeler à la conscience ou la volonté de se conformer aux attentes est-elle suffisante ? La réflexion est déjà intéressante en soi.
Mais comme elle concerne l'interdiction d'un mot dans une ville, interdiction acceptée par tous les habitants et sur lequel le narrateur s'interroge, elle prend une ampleur supplémentaire.
D'autant que le lecteur à l'affût, parviendra sans mal à trouver le mot en question. Et c'est la troisième couche de cette nouvelle, qui révèle alors tout son sens.
Cerise sur le gâteau, la conclusion a un petit côté méta dont je suis très friande.
Brillant, drôle et glaçant à la fois.

"La peste automobilistique"
Parodie de contagion, qui raisonne étrangement au début de la huitième vague de covid et la énième de grippe aviaire.
La maladie touche les voitures, se transmet dans les artères embouteillées des villes. Pour arrêter la maladie, les voitures sont brûlées que la maladie soit avérée ou non. Comme toujours dans ces cas là, certains sont dévastés, d'autres profitent de la situation.

"Une odeur de truffe"
Buzzati poursuit sur le motif de la contagion, décidément récurrent. Cette fois-ci, les humains sont atteints et la description des villes vides rappelle de mauvais souvenirs.
Nouvelle à chute, que l'on voit venir mais qui reste délicieuse.

"Épouvantable vengeance d'un animal de compagnie"
Nouvelle fantastique plutôt étrange dans un univers sombre et pesant. Tout comme la narratrice, on ne comprend pas vraiment les enjeux. Mais la tension monte jusqu'à la résolution... Étonnante.

"Le cuirassé Tod"
Je n'ai pas tout compris à cette nouvelle sur fond de défaite allemande lors de la seconde guerre mondiale. Un machine secrète a été construite et a pris le large au moment de l'armistice. Elle est censée symboliser l'Allemagne restée invaincue. Son équipage étant supposé ne plus la quitter et vivre comme un fantôme en attendant que la nation retrouve sa grandeur. Pas très fan de ce genre d'histoires, je n'ai pas accroché.

Mais c'est bien l'exception qui confirme la qualité de ce recueil. Un grand merci à ChristianDecroze pour la découverte !
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