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Critique de domreader


+++Lu en VO +++

Il est difficile de parler d'une oeuvre littéraire qui se trouve au croisement de plusieurs genres, ce roman d'Erskine Caldwell est une sorte d'OVNI littéraire qu'on ne sait par quel bout décrire. Car c'est tantôt un roman bien sombre qui décrit une misère noire, avec des personnages qui ont depuis longtemps perdu toute dignité, toute décence, toute volonté et peut-être bien tout espoir. Mais Caldwell les place parfois dans des situations burlesques qui donnent alors un ton tragi-comique au récit.

L'auteur parle d'une époque et d'un lieu qu'il a bien connu puisqu'il situe son roman dans une ferme un peu décrépite du sud des Etats Unis au début des années trente, au moment de la grande dépression qui ruina tant de fermiers. Il semble même que c'est là qu'il a écrit trois de ses romans dont celui-ci.

La famille Lester de petits métayers, fut jadis nombreuse. Elle se réduit maintenant à cinq de ses membres les autres ayant fui vers les usines de la ville. Jeeter le père est toujours entre la nostalgie de la terre qu'il ne travaille plus et ses velléités freinées à la fois par le manque de ressources et une paresse qui touche au fatalisme. Pour subvenir aux besoins de sa famille il ne recule devant aucun stratagème, la faim ayant depuis longtemps effacé chez lui scrupules et dignité. Il a d'ailleurs vendu pour quelques dollars sa plus jeune fille Pearl, 12 ans, à son voisin Lov. Ce dernier se plaint d'ailleurs amèrement qu'elle ne veuille pas coucher dans son lit et voudrait ben que Jeeter la raisonne. Il y a aussi Ada, la mère, usée par les 17 enfants qu'elle a mis au monde et dont on fait bien peu de cas. La grand-mère est là qui guette, à l'affût des moindre faits et gestes de la famille Elle ne représente plus qu'une bouche inutile à nourrir, on ne la nourrit plus d'ailleurs. La sensuelle Ellie May est la seule fille qui soit restée à la ferme, on ne peut la marier car elle a un bec-de-lièvre et personne ne l'embaucherait à l'usine. Ses sens exacerbés et la faim la pousse à se donner au voisin Lov, qui pendant ce temps se fait dérober un sac de navets par Jeeter dans la scène tragi-comique incroyable qui ouvre le roman. Il y a aussi Dude, le fils de seize ans, un bon à rien qui ne vaut guère mieux que son père et qu'on mariera lui aussi à profit.

Ce serait trop dévoiler du roman que de continuer, mais on comprend que Caldwell parle de la misère, du dénuement le plus total de ces êtres paumés qui ne voient pas plus loin que la possibilité d'un prochain repas dans ce coin du sud où les ventres crient leur faim et leur concupiscence. Tous profitent sans scrupules de la moindre opportunité, ayant perdu tout sens moral, dans des scènes burlesques où on ne sait si le comique l'emporte sur le tragique et vice-versa. C'est un livre noir troublant où les effets comiques renforcent la sensation d'une misère mentale et matérielle jusqu'à la nausée. Je l'ai lu lentement, car chaque plongée dans le roman me mettait mal à l'aise. C'est néanmoins du grand art littéraire et je ne regrette pas ma lecture.
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