AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gatsbi


gatsbi
06 septembre 2023
Parmi les astronomes, les spécialistes du « Contact » semblent particulièrement en proie à la frustration. Quelles perspectives réelles pour mettre leurs audacieuses théories en pratique ?
À cette question terre à terre, Nathalie A. Cabrol donne quelques clés dans son excellent ouvrage de vulgarisation sur l'astrobiologie « À l'aube de nouveaux horizons ». L'on y apprend que pour étudier la vie extraterrestre, il suffit d'observer la vie sur Terre. Et inversement, étudier les conditions de la vie sur les planètes qui nous sont actuellement accessibles peut s'avérer riche d'enseignements sur notre propre écosystème.
Lui-même auteur spécialiste du Contact, Jean-Michel Calvez explore plus avant ces modalités d'étude et imagine un scénario absolument renversant dont il a le secret !

Le pitch : au coeur de la Finlande, un scientifique et son associé font une découverte théorique majeure remettant en cause ce que l'on sait de la vitesse de la lumière. Coïncidence ? Quelques jours plus tard, ils sont chaudement « invités » à prêter main-forte à une équipe d'astronomes sur le tout récent télescope orbital européen Tycho Brahé. Une opportunité unique à saisir, mais pour qui ?


À cette trame principale menée de façon classique s'intercalent de petits récits a priori déconnectés, situés dans différentes périodes de l'Histoire. Un vrai thriller scientifique comparable à d'autres titres de l'auteur comme « Sphères » ou « L'arène des géants » (ce dernier reposant sur deux trames intercalées, avec un principe différent). Je me souviens encore de Régression, de Fabrice Papillon, excellent thriller scientifique également, et exploitant exactement la même structure narrative, mais dans un but différent.


Le miroir du temps n'est pas une lecture difficile mais… Il faut s'accrocher au début. La trame principale commence de façon abrupte par un traité mathématique autour de la relation d'= v.t. C'est court mais dense. Comme la présentation d'un lemme qui éclaire la suite du propos… Je rassure : si on peut parfaitement qualifier ce roman de hard SF, le reste est bien plus digeste. Quant aux épisodes historiques, ils débutent de façon déroutante, avec ce récit hellénistique à la tonalité fantastique et poétique. Récit qui sera bientôt poursuivi de façon plus énigmatique encore en conviant la dimension onirique.
Sur plus de cent pages, on avance avec ce sentiment de passer du coq à l'âne et d'un genre à l'autre. Il faut faire l'effort car effectivement, arrivé au premier tiers du livre, la lumière – véritable reine dans ce roman – commence à éclairer les nombreuses zones d'ombres. Et la suite n'est qu'une succession de révélations, savamment distillées, jusqu'à la chute finale.


Personnellement, ces difficultés pour rentrer dans le roman ne m'ont pas trop gêné car je commence à connaître l'auteur et il n'a pas pour habitude de balancer mystère sur mystère sans raison. Avec Calvez, tout est logique, tout est pensé, il suffit d'attendre, et en général quand ça vient, ça vient fort !
Je n'ai pas non plus ressenti de grosses longueurs comme dans « Sphères » et « L'arène des géants ».
Les faiblesses que j'ai notées se situent plutôt dans le style et l'écriture. Des coquilles et des maladresses facilement évitables. Des développements souvent laborieux pour le narrateur comme pour les dialogues avec une tendance à s'enliser dans les justifications et les raisonnements.
Encore dans les bémols :
- J'ai trouvé le second personnage féminin (la blonde spécialiste des moteurs) sous-exploité. C'est dommage car sur la fin il y avait une bonne fenêtre de tir pour en tirer un peu plus, puisqu'elle commençait à lâcher ses confidences. J'aurais aimé quelques révélations plus concrètes et apportant des surprises.
- La relation entre le « commandant » et son bras droit est fondamentale et représente l'une des intrigues, mais elle reste floue au final. Je n'aurais pas craché sur un chapitre supplémentaire, ou au moins quelques paragraphes, centrés sur eux vers la fin, peut-être l'occasion aussi d'expliciter les circonstances de la chute finale.
- L'épisode sur la Seconde Guerre mondiale m'a fait forte impression. Dès lors, j'aurais bien vu le « commandant » sous influence de réseaux néonazis, avec des développements tout autres !
- Parfois, un peu trop hard SF, inutilement.


Les qualités de ce roman sont, comme d'habitude chez Calvez :
- Un concept original (ici une double extrapolation scientifique), simple et fécond à la fois.
- Un développement de ce concept sous le prisme du raisonnement scientifique.
- le déroulement d'un scénario à rebondissements offrant un divertissement de qualité.
- Une critique sous-jacente des dérives de la science elle-même, comme la tendance moderne à avancer plus vite que la science elle-même (ce qui s'apparente à de l'alchimie). On retrouve cette préoccupation chez d'autres auteurs comme Michael Crichton.
- Une critique de la nature humaine évidemment, qui s'illustre de bien des façons dans ce roman.

Le thème du paradoxe temporel est central dans ce roman. L'auteur en avait fait une démonstration impressionnante dans Sphères. Ici, c'est à la fois plus simple à comprendre et plus vertigineux.

Le thème du Contact, cher à l'auteur, est bien sûr au coeur du roman. L'originalité ici repose sur ce chassé-croisé entre deux types de Contacts, différents et semblables à la fois.

Ce qui m'a le plus enthousiasmé dans ce roman, c'est cette poignée de liens entre les récits. Des liens qu'on n'entrevoit que tardivement, qu'on découvre sur le fil de l'histoire et celui de l'Histoire. Des liens ténus qui prennent forme, touche après touche. Des liens improbables, poétiques, des liens qui laissent songeur ou béa. Il y a ces liens évidents et ces autres liens qui bouclent et qui donnent le tournis. Alors j'ai repensé à Cloud Atlas, ce formidable ovni de la Science-Fiction avec ces personnages qui se font écho. le concept n'est pas le même mais, indubitablement, il y a du Cloud Atlas dans le miroir du temps… ou l'inverse !


Avec Styx, Jean-Michel Calvez nous proposait une réflexion humaniste autour du mot « compatir ». La réflexion ici sera autant humaniste que scientifique avec ce mot de la fin : « projeter » !
Commenter  J’apprécie          146



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}