De cette auteure, on en a lu "
Un jour viendra" délicieux premier roman poétique. "
L'eau du lac n'est jamais douce", quant à lui est bien plus ancré dans le réel.
Nous sommes aux côtés et dans la tête d'une singulière adolescente issue d'une famille modeste, qui quotidiennement fait face à une figure maternelle forte, fabricant son identité, cantonnée à être la fille « de ». Au travers de ses premiers émois, en amour comme en amitié, nous sommes face à une fresque originale, celle d'une Italie du quotidien, de l'intérieur, ni magnifiée, ni altérée.
Dans la première partie du récit, les enjeux se trouvent du côté de cette héroïne particulière, ne semblant pas avoir d'affection pour les autres, qui vit dans un monde inadapté. Gaïa a une haine en elle, incompréhensible, d'abord. Rapidement, l'on en saisit les contours : cette colère se tourne vers le système – social, machiste -, les gens qui sont sous ses ordres, cette machine et ses rouages qui produisent des drames.
Dans la deuxième partie du récit, les enjeux et les questionnements soulevés tournent autour de la parentalité. Comment (sur)vivre dans l'ombre maternelle ? Comment prendre son indépendance quand on est adolescent et que nos aspirations ne correspondent pas à celles de nos parents ? Comment trouver et faire sa place dans ce monde semblant répondre à des logiques tout sauf humanistes et justes ?
C'est également un récit féministe dénonçant les jeunes hommes qui prennent les jeunes filles comme des mouchoirs en faisant miroiter leur argent et leur condition… Et un espoir de devenir quelqu'un de plus important, socialement. En effet, comment briser le plafond de verre qui emprisonne les familles modestes ? C'est par ce décor d'une Italie pauvre, par cette ville où deux quartiers se côtoient, dramatiquement proches, l'un est riche et l'autre pauvre. Cette dualité est mise en contraste tout au long de ce livre, et permet de se questionner sur ces enjeux.
Si l'histoire est longue à se mettre en place - au bout de 150 pages, on se sent enfin happé -, notamment par la structure étonnante et enivrante qui se met en place à partir de ce moment et vaut le coup que l'on s'accroche. Abandonner, ce serait passer à côté de quelque chose de grand. Ce revirement de ton et de style, nous emmène dans un tourbillon littéraire tragiquement succulent. Si le drame est partout, ce récit regorge également de scènes extrêmement drôles, presque théâtrales sans jamais être caricaturales. Enfin, le chapitre 8, incroyable, dénote de l'ensemble et heurte le lecteur pour le plus grand des plaisirs.
L'on a l'agréable impression de lire l'adaptation italienne du livre de
Salomé Kiner "
Grande couronne", avec en fond cette vie adolescente et ses tourments, et ce qu'elle nous montre de notre époque, au travers du prisme cru et franc qu'est le regard sincère que partage les deux héroïnes de ces deux livres si proches.