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Critique de Woland


Edition présentée par Jean Chalon
Notes : Carlos des Angulo

ISBN : 9782715215665

Pour ceux qui l'ignoreraient, Henriette Campan fut, pendant vingt-deux ans, seconde, puis première femme de chambre de Marie-Antoinette. Ses "Mémoires", ici suivis de "Souvenirs, Portraits & Anecdotes", sont certainement plus subjectifs qu'ils ne le devraient : ainsi, elle ne dit absolument rien sur Fersen, personnage pourtant clef du destin de Marie-Antoinette. En fait, tout ce qui pourrait ternir la réputation de la Reine, Mme Campan l'évite soigneusement. Mais on le lui pardonnera en réalisant que, à ses yeux, Marie-Antoinette n'était peut-être pas une déesse mais bien certainement une martyre et une sainte.

Introduite à Versailles en 1767 en tant que lectrice de Mesdames, tantes de Louis XV alors régnant, la jeune fille s'adapte très vite à la vie de cour et, en passant au service de la Dauphine, trois ans plus tard, elle en devient probablement "accro" comme on dirait de nos jours. Sommes-nous en droit de le lui reprocher - car on le lui a reproché ? Nommée à un poste de confiance, elle s'attire vite la sympathie de la jeune archiduchesse et se découvre des affinités avec une femme dont - tous nous le rapportent, y compris ses pires ennemis - le charme n'était pas un vain mot. En fait, Marie-Antoinette avait ce charisme dont son époux se trouva malgré lui bien dépourvu et il est tout à fait normal qu'elle ait fasciné Mme Campan.

Même si l'on peut suspecter parfois celle-ci d'amplifier l'importance de son rôle auprès de la Reine, il n'y a pas, dans ses "Mémoires", plus à retirer ou à reprendre que dans les mémoires habituels. Qui a jamais lu des mémoires vraiment impartiaux et objectifs ? Qu'on nous les signale immédiatement : nous sommes preneur ! Wink de la vénération portée par Henriette Campan à sa maîtresse, on ne doutera pas un seul instant. Ceux qui lui reprocheront de ne pas avoir accompagné la Reine au Temple semblent oublier qu'elle demanda de multiples fois au conventionnel Pétion de lui permettre de rejoindre Marie-Antoinette. le demanda-t-elle aussi souvent qu'elle l'affirme ? Ses détracteurs soutiennent que non et qu'elle était bien contente de pouvoir se terrer en paix dans un château de province. Sur quoi ses admirateurs se scandalisent et leur demandent tout de go comment ils auraient agi, eux, après avoir vu brûler sa maison parisienne à l'ombre d'une guillotine que la toute-puissance d'un Robespierre au zénith rendait alors des plus redoutables ?

Le problème de Mme Campan, sa seule "faute" si faute il y a, c'est que, la Révolution ayant réduit ses ressources, il lui fallait bien continuer à vivre en élevant les trois enfants de sa soeur qu'elle avait recueillis lorsque celle-ci était montée à l'échafaud. Elle se mit donc aux ordres de Bonaparte et créa un pensionnat qui accueillit, outre une ou deux soeurs du Corse, la fille de Joséphine de Beauharnais, la future reine Hortense qui, un jour, sera la mère de Napoléon III. Par la suite, satisfait de ses services, Napoléon allait la nommer à la direction de la Maison impériale d'Ecouen, où étaient élevées les filles de la Légion d'honneur.

Comme tant d'autres, Mme Campan avait survécu et ses nièces avaient fait de beaux mariages (la troisième épousa le maréchal Ney). du coup, à la première Restauration, la malheureuse reçut aux Tuileries, de la part de la duchesse d'Angoulême, l'accueil glacial que l'ex-Madame Royale réservait à celles et ceux dont elle estimait qu'ils avaient "trahi" sa mère. Dans ses étincelants "Mémoires" personnels, dont nous parlerons cet été, la comtesse de Boigne nous laisse d'ailleurs entendre que la duchesse d'Angoulême était également capable de se montrer tout aussi dédaigneuse envers des personnes qui n'avaient trahi ni Louis XVI, ni sa femme, et nombre de remarques, relevées chez des historiens lus à droite et à gauche - dont André Castelot, pour ne citer que cet inconditionnel de Marie-Antoinette et de tout ce qui lui touche de près ou de loin - révèlent en outre que, pour des raisons inconnues, en tous cas inexpliquées, il arrivait pourtant à cette même Madame Royale, si jalouse en apparence du respect dû à la mémoire maternelle, de rendre Marie-Antoinette responsable de la Révolution et des malheurs des Bourbons. On s'explique donc assez mal le mépris dont elle assomma la pauvre Mme Campan pas plus qu'on ne comprend la politesse, toute de commande sans doute mais bien réelle et on ne peut plus déshonorante, qu'elle affichait en présence d'un Talleyrand, grand homme d'Etat certes mais opportuniste bien plus caractéristique que l'ancienne femme de chambre de sa mère ... C'est l'un des "mystères" de Madame Royale que nous traiterons sur un autre post, en temps et lieu.

Pour en revenir aux "Mémoires" de Jeanne-Henriette Campan, née Genet, ils sont en tous cas très agréables à lire et regorgent de détails qui, la chose est à souligner, se retrouvent confirmés dans d'autres écrits, y compris parmi ceux qui jugeaient que Mme Campan en faisait trop. Bref, s'il faut garder à l'esprit que cette dernière a "gonflé" çà et là son propre rôle auprès de la Reine, il ne faut pas oublier que le poste de confidente qu'elle occupait a dû lui attirer en son temps bien des jalousies. Et les jaloux ont sûrement fait feu de tout bois pour tenter de démolir le portrait - un peu trop parfait, mais c'est humain - que Mme Campan brossait d'elle-même dans ses souvenirs. S'il y a, comme on dit, à boire et à manger dans ses "Mémoires", il y en a tout autant, et à notre avis beaucoup plus, dans les fielleuses critiques de ses détracteurs.

A vous de juger sur pièces : vous ne devriez pas vous ennuyer. ;o)
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