Je venais à peine d'y poser le pied que j'ai senti mes jambes faire du sur-place avant même d'avoir ralenti leur cadence. La tension que je ressentais sur le col de mon T-shirt avait sûrement un lien avec cette situation insolite. Il ne me restait plus qu'à couper le moteur et à me retourner pour voir quelle brute m'avait stoppé.
Le summum de l'humiliation. Rendez-vous compte, on réclamait de moi, Alper Kamu, fervent admirateur de Chostakovitch, que je m'époumone sur l'air de "Il était une bergère" ! Fort heureusement, mon comportement asocial et mes récurrentes éruptions colériques ont amené la maîtresse à penser que je devais être attardé, si bien qu'elle a fini par me laisser tranquille.
Il était né laveur de voitures. Mais la vie l'avait condamné à devenir épicier, tout comme elle avait condamné de formidables maraîchers à être députés. Le système tue les talents.
Pour s’amuser, on peut toujours aller au théâtre. De toute façon, on vient ici pour boire notre souffrance. Le meilleur remède à la souffrance, c’est la souffrance
J’aime jouer au football. Ce jeu comble mon besoin d’affrontement physique. Rentrer à la maison en sang, couvert de bleus après une partie difficile est un plaisir unique.
Je m’appelle Alper Kamu et j’ai fêté mes cinq ans. A l’approche de mon anniversaire, j’ai passé le plus clair de mon temps posté à la fenêtre, à observer les gens au-dehors. Ils traversaient la vie tantôt accélérant, tantôt ralentissant, et émettaient toutes sortes de bruits, le regard sans cesse en mouvement. J’étais malade à l’idée qu’un jour je deviendrais l’un deux. Malheureusement, il n’y avait aucune autre issue possible ; le temps s’écoutait, inexorable, et je vieillissais vite.