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Critique de umezzu


umezzu
14 décembre 2023
Thomas Cantaloube par ses présentations romancées d'événements historiques peu connus jette un autre regard sur la cinquième République, époque gaulliste. Après le traitement de la guerre d'Algérie, entre FLN et OAS et la répression du métro Charonne le 08 février 1962 ordonnée par le préfet de police Maurice Papon dans Requiem pour une République, et les magouilles de la Françafrique version Jacques Foccart dans Frakas, Cantaloube continue d'explorer les arrière-cours du gaullisme et de ses services parallèles en conviant ses personnages favoris en Guadeloupe en 1967.
Revoilà le journaliste Luc Blanchard, installé à Pointe à Pitre en famille avec sa femme Lucile et sa fille, le truand à l'ancienne Antoine Lucchesi, en disponibilité pour cause de convoyage de voilier sur l'Atlantique, et le mercenaire manchot Sirius Volkstrom, qui pour le moment fait dans l'anti-castrisme pour le compte de la CIA.

La décolonisation a suivi son cours mais les habitants des départements d'outre mer continuent de subir un traitement de seconde zone. Les békés contrôlent l'économie, avec la bénédiction du préfet UNR, pendant que les populations antillaises ont du mal à suivre le coût de la vie, voire sont fortement incitées à rejoindre la métropole pour y occuper des emplois non qualifiés en s'entassant dans les HLM de banlieue.

C'est dans ce contexte tendu qu'éclate le 26 mai 1967 une manifestation initiée autour de revendications d'augmentations salariales. Rapidement les esprits s'échauffent, suite à des remarques racistes, et la préfecture ne fait pas dans le détail en envoyant CRS et forces de police. Des détonations sont entendues, des manifestants sont atteints par des tirs, à l'origine douteuse. le pouvoir réprime tout cela, arrête quelques leaders d'un mouvement autonomiste et les transfère vers Paris pour qu'ils soient jugés par la Cour de sûreté de l'État. Parmi les Antillais accusés d'avoir tenté une insurrection, Lucile la compagne de Luc Blanchard.

En croisant les points de vue de chacun de ses trois héros, Cantaloube expose une époque où les morts locaux, et les circonstances de leur décès, ne pèsent pas lourd face à la grande politique. Il faudra une commission d'enquête d'information et de recherche historique présidée par Benjamin Stora pour conclure en 2016 que les dérapages policiers étaient voulus. Il aura fallu deux ans pour l'apprendre, les archives et le bilan officiel des événements ayant disparu.

Le roman est parfaitement réussi dans l'évocation de ce qu'était la situation des DOM à la fin des années soixante, résumée par l'ancien député USDR Claude Estier par « les événements du 26 mai démontrent la supercherie de la légende selon laquelle le général De Gaulle serait le dernier décolonisateur de la République française alors qu'en fait le colonialisme subsiste aux Antilles ».
Mais il pêche un peu au niveau de l'intrigue policière, par manque de dynamisme. La priorité de l'auteur est clairement de montrer des pratiques et une époque, les enchaînements de chapitres suivent ce cheminement, et débordent même du sujet en se concluant avec un autre mois de mai, un an plus tard, avec les négociations entre le pouvoir (représenté par le tout jeune Chirac) et les syndicats.
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