Surprendre l'ennemi dans sa tranchée, sauter sur lui, jouir de l'effarement de l'homme qui ne croit pas au diable et qui pourtant le voit tout à coup tomber sur ses épaules.
Il en était toujours ainsi depuis. Même libéré de nombreuses contraintes, Martial vivait les fins de dimanche avec cette sensation de vide quelque part dans le ventre, avec ce sentiment de souffrance. C'est là, notamment, qu'il ressentait le plus sa solitude.
Il regrettait ses vêtements plus chauds et ses gros souliers. Les autres hommes qui attendaient dehors étaient également assaillis par le froid humide.On ne voyait pas le bout de la grand-place. Le village avait la vue bouchée et le souffle court. Seule la rivière, en contrebas, paraissait se moquer de tout cela, s'enfuyant avec bruit parmi les rochers et étant la seule à briser le silence de mort.
Je sais observer les choses. On observe beaucoup quand on est seul, cela rend la vie plus vivante.
La foule lui était devenue insupportable. C'est pour cela que les bouts du monde ne le rebutaient pas, il s'y sentait bien, en fait, là où les routes s'arrêtent. Car, au-delà, les hommes et leur folie n'avaient plus le dessus.
Mieux vaut rester silencieux et passer pour un imbécile que parler et n'en laisser aucun doute. (Abraham Lincoln)
- Camille semble avoir eu raison de s'alarmer. (Martial)
- Elle ne croit pas aux fantômes. Mais elle est persuadée qu'un meurtrier rôde autour du village. Elle est sûre que vous allez trouver qui. (Edouard)
Il avait eu le temps de voir sa mort arriver. Il avait voulu recevoir l'extrême onction et avoir un enterrement en bonne et due forme. Il n'était pas très favorable à la chose religieuse mais trouvait que les traditions avaient du bon, comme autant de points de passage qui jalonnent une vie.
Il ne pria pas mais pensa beaucoup à son ancien mentor. C'était peut-être cela la vraie prière : revoir les bons moments, se rappeler un visage , le son d'une voix, une odeur. Se rappeler de tout cela le plus longtemps possible, avant que la mémoire ne fasse son travail et n'égare ces choses-là dans un recoin, laissant la place libre aux heures plus récentes.
Le Pas-du-Diable était un accident de la nature, en plein coeur de la forêt communale. [...] On craignait cet endroit de tout temps. D'abord, parce qu'il était dangereux de s'y aventurer. Mais surtout parce qu'on disait l'endroit hanté par de mauvais esprits. On racontait que c'est là que s'étaient tenus les sabbats des sorcières de ces montagnes. On racontait que le vent, quand il s'y engouffrait, faisait remonter des cratères des plaintes humaines. On savait que la brume s'y formait toujours en premier et qu'elle y disparaissait en dernier. On disait qu'on pouvait alors distinguer dans le brouillard des silhouettes s'extraire des trous pour errer ensuite parmi les arbres.