« On porte en soi des images de film, des chansons qui surgissent à des moments inattendus de nos vies, qui font de nous quelqu'un ayant appartenu à une époque. Il nous reste des empreintes de ces histoires qui nous ont marquées de ce temps où nos vies étaient vierges et où l'on croyait la blancheur éternelle. On voulait que notre vie ressemble à ce moment-là, à ce plan parfait. »
"Lucien se persuadait qu'il était different des autres. Contrairement à la plupart des gens qui venaient en touristes, lui avait choisi la saison morte. Aucune cabine de plage n'hébergeait plus de jeune fille lisant face à la mer. Les cafés désertés paraissaient tristes et gris, plus une ombre ne se devinait derrière les vitres assombries et nues de toute publicité. Les volets des maisons normandes, grands ouverts l'été, s'étaient refermés pour l'hiver, et un vilain crachin balayait désormais la digue esseulée, mouillant les traces de neige."
« On croit nos blessures enterrées, mais elles ne sont bien souvent que terrées. Un souffle les réveille. Un rien les ravive. »
On n'imagine pas l'épreuve que représente pour un ignare la pudique envie de fréquenter l'élite. Combien de barrières à soi-même faut-il abolir, de combien d'audace faut-il s'armer pour aller là où tout semble mieux que soi?
« Enfant, Mathilde avait pris une drôle d'habitude : elle s'écrivait des petits mots et les cachait. Des mots d'affection, des mots de réconfort, des mots qui lui donnaient rendez-vous, des mots qui lui faisaient croire que quelqu'un pensait à elle quelque part. Elle ne le connaîtrait pas, elle ne l'aurait jamais vu mais en la croisant, en l'observant, il lui aurait trouvé un petit intérêt. »
« Le temps pouvait passer, sa vie s'enliser dans un quotidien que rien ne bousculait. Chaque année les arbres demeuraient à leur place, immuables. Chaque année, ils redonnaient des feuilles, des fleurs. Imperturbables aux dépressions des hommes, ils marquaient le retour de la belle lumière, dans un silence plein d'humilité et une constance admirable. La nature était sans nul doute le seul élément de la vie de Lucien qui restait en phase avec ses convictions. La seule qui résistait, au milieu des mutations incontrôlables, la seule qui poursuivait sa trajectoire en toute intégrité."
Il suffit parfois de changer de costume pour que les autres nous regardent autrement.
Lucien n’était pas du Sud, il n’était pas d’aujourd’hui non plus.[...] Il était d’un rêve. Celui d’une vie qu’il avait imaginée à l’image d’une douceur aujourd’hui disparue, d’un charme rompu. A l’image d’une ville engloutie où auraient sombré des dialogues d’une délicieuse lenteur, les cabines téléphoniques pour lesquelles on patientait le coeur battant, des mélodies en boucle, des lettres de papier, l’odeur de la colle Cléopâtre et l’amour en secret.
On peut décevoir et gagner quand même.
On croit nos blessures enterrées, mais elles ne sont bien souvent que terrées. Un souffle les réveille. Un rien les ravive.